À quelques jours de la votation sur les droits politiques des personnes étrangères résidant à Genève depuis 8 ans ou plus, il vaut la peine de prendre connaissance d’un rapport particulièrement choquant publié par la Commission fédérale des migrations publié le 23 mai 2024.
La CFM documente à quel point – avec le durcissement des critères de naturalisation (nouvelle loi de 2018) -, celle-ci est de plus en plus réservée aux personnes avec un haut niveau d’études. Comme l’indique le Communiqué de presse de la CFM, « sur cette période (soit les 3 années après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi), environ un tiers des personnes naturalisées selon l’ancien droit disposaient d’un diplôme universitaire, contre près de deux tiers selon le nouveau droit. En revanche, la part des personnes n’ayant pas poursuivi leur formation au-delà de l’école obligatoire est passée de 23.8 à 8.5 pour cent. » Il y a une véritable sélection socio-économique et socioculturelle!
Les opposant.e.s aux droits politiques pour les personnes étrangères chantent les louanges de la naturalisation comme LE moyen de concrétiser l’intégration. C’est à choix de la naïveté sur la réalité de la procédure de naturalisation en Suisse, ou de la mauvaise foi. En tout cas un déni de réalité. La majorité de droite au Parlement fédéral a durci successivement les règles, aussi bien en matière de permis de séjour et d’établissement (obtention et renouvellement), qu’en matière de naturalisation. Message de base: on ferme les portes à l’intégration tout en faisant appel à une main-d’œuvre étrangère malléable et corvéable à merci. C’est une manière beaucoup plus méthodique et construite de fermer cette porte qu’à l’époque du célèbre film « Les Faiseurs de Suisses » de Rolf Lissy sorti en 1978. Comme en aucun cas je ne me permettrai de considérer les opposant.e.s comme naïfs ou naïves, on peut donc considérer cette stratégie comme totalement assumée.
Pourtant, le calcul est faux à plusieurs titres. Déjà pour des raisons de principe en lien avec une posture d’ouverture aux autres, fondamentale dans un pays dont une bonne partie de la prospérité est due à l’apport de personnes d’ailleurs, ensuite afin de limiter les facteurs d’exclusion sociale et culturelle dans une société riche mais très inégale. Ceci est particulièrement pertinent à Genève, qui se targue d’être une société multiculturelle et ouverte au monde ; les déclarations récentes des 3 Conseillères d’Etat de droite contre l’Initiative « Une vie ici, une voix ici » soumise au vote le 9 juin semblent montrer un net recul de cet état d’esprit.
Mais c’est aussi un calcul très faux en termes d’analyse de nos besoins présents et futurs en considérant l’évolution démographique de notre pays, marquée par un vieillissement de plus en plus rapide de la population indigène. Une nette majorité a voté la 13ème rente AVS le 3 mars 2024 et on ne peut que s’en réjouir ! Mais il faudra des personnes actives pour contribuer à la financer, et surtout aussi des personnes actives pour s’occuper de nos aînées et aînés dans tous les domaines où ils et elles auront besoin de nous. La même droite pleure en permanence le manque de main d’œuvre qualifiée dans de nombreux domaines, notamment techniques, et le service public manque de plus en plus de personnel pour les métiers du « care » au sens large (santé et social). Mais cette droite s’oppose énergiquement à toute mesure de politique familiale (soutien à la petite enfance, allocations familiales, congé parental), et pour une partie elle combat aussi l’ouverture à l’Europe, durcit les conditions de séjour pour les personnes étrangères et assume une naturalisation réservée à l’élite. Cherchez l’erreur !
En tout cas, le 9 juin, il est légitime et pertinent de voter oui avec conviction à l’introduction des droits politiques pour les personnes résidentes depuis de nombreuses années dans notre canton. Elles contribuent très activement à sa prospérité, à son développement et à sa richesse culturelle !
Ajouter un commentaire