Le pouvoir d’achat constitue évidemment une préoccupation essentielle en ce moment, avec une inflation au taux officiel de 2.4% et une brutale augmentation des primes d’assurance-maladie. Comme l’indiquait Samuel Bendahan, économiste, enseignant et chercheur, et par ailleurs Conseiller national socialiste vaudois, dans l’édition du Matin Dimanche du 10 septembre 2023, on peut considérer que la classe moyenne a perdu 20% de pouvoir d’achat en 20 ans, ce qui est considérable.
Sur 20 ans, par exemple, les primes d’assurance-maladie ont doublé en moyenne, les loyers ont augmenté de 26.9%. Pendant ce temps, les ultra-riches ont vu leur fortune augmenter nettement : entre 2005 et 2018, la part de fortune des 1% les plus riches de Suisse est passée de 38 à 44% de la fortune totale du pays. Les revenus cumulés des actionnaires (dividendes versés) ont atteint plus de 44milliards de francs en 2022. Et à l’autre bout de la chaîne, il y a les revenus modestes qui, même si des prestations sociales diverses permettent d’atténuer le problème à certaines conditions, voient leur réalité de tous les jours se péjorer à grande vitesse.
Si une action forte, à la fois immédiate et structurelle, n’est pas entreprise par les autorités fédérales, nous allons dans le mur, avec un appauvrissement croissant d’une partie de la population et des tensions sociales et politiques qui ne vont que s’accroître, mettant en danger la cohésion de notre pays. Or, malheureusement, le Parlement dominé par des forces de droite n’en prend pas du tout le chemin, bien au contraire. Lorsque je vois l’UDC publier des affiches avec le slogan « Votre pouvoir d’achat, notre priorité », cela me donne de l’urticaire tellement on est dans le mensonge pur (et assumé). La droite, l’UDC en tête, combat systématiquement toute proposition qui va dans le sens de soutenir les ménages de notre pays, que ce soit des familles, des retraité-e-s, des jeunes, des personnes seules.
Des exemples très concrets :
- Le PS a déposé une initiative populaire proposant que les primes d’assurance-maladie ne dépassent pas 10% du revenu disponible; le Parlement a négocié diverses options de contre-projet pour essayer d’aboutir à un compromis acceptable, qui aurait permis au PS de retirer son initiative. Las, le Conseil des Etats, chambre très conservatrice largement dominée par la droite, a coulé le compromis et obligé le Conseil national à adopter un paquet largement insuffisant. Ainsi des élues et élus de droite continuent à valider la pression massive et croissante des primes sur les revenus de la population, tout en refusant toute mesure d’allégement des coûts de la santé, comme la baisse des coûts des génériques, des modèles de soins alternatifs ou le renforcement substantiel de la prévention. D’ailleurs les élues et élus de la droite genevoise ont également refusé ce compromis qui, au passage, aurait allégé le budget cantonal genevois de 91 millions. Irresponsable ! juste après les mêmes personnes parlent de soutenir le pouvoir d’achat, la bouche en cœur…
- Les médicaments génériques coûtent deux fois plus cher en Suisse qu’ailleurs en Europe ; là aussi la droite a coulé les propositions, notamment du Conseiller fédéral Alain Berset, visant à les rendre plus abordables.
- La droite continue à refuser d’accorder une 13ème rente AVS à nos retraité-e-s, dont beaucoup vivent avec des rentes basses, surtout les femmes, malgré une forte demande populaire. Elle refuse également d’indexer les rentes malgré une injonction constitutionnelle, sans parler des revenus issus du 2ème pilier (pour celles et ceux qui peuvent en avoir un), également non-indexés, et qui font l’objet d’une réforme qui va encore péjorer les retraites (heureusement combattue par référendum).
- Lorsque les prix de l’énergie ont commencé à augmenter brutalement, à la suite du conflit en Ukraine, la droite a refusé toute mesure pour alléger les budgets des ménages face à leur facture d’électricité et de chauffage.
- La droite vient de refuser des mesures contre la hausse substantielle des loyers, péjorant ainsi une fois de plus la protection des locataires et encourageant encore plus la spéculation effrénée sur les loyers.
En revanche, lorsqu’il s’agit de soigner les gens déjà très privilégiés, c’est « open bar » !!! Comme la droite cantonale genevoise qui vient de voter un cadeau massif aux propriétaires qui ne veulent pas financer l’assainissement énergique de leurs biens, en récompensant ainsi les mauvais élèves ! Ou la droite fédérale qui refuse de taxer les vols en jet privé, pourtant contributeurs massifs aux émissions des gaz à effet de serre ! Et que fait miroiter cette droite pour faire semblant de s’occuper du pouvoir d’achat ? Des baisses d’impôt qui, par définition profitent avant tout aux hauts revenus tout en diminuant la capacité d’action de la collectivité publique, déjà très sollicitée sur le plan social, justement.
Une toute première étape, pour réellement aborder ce problème majeur, est d’arrêter de sous-estimer volontairement la réalité avec le taux officiel de l’indice des prix à la consommation (IPC) en Suisse, qui ne tient pas compte des primes d’assurance-maladie et que très partiellement des augmentations du loyer. De plus, les augmentations des prix ne touchent pas de la même manière les revenus hauts, moyens ou bas ! Un IPC est un taux très politique et sa définition donc aussi ; cette réforme est urgente.
Par ailleurs, de manière générale, des mesures concrète doivent être prises : primes d’assurance-maladie plafonnées à 10% du revenu, indexation des rentres AVS et LPP et 13ème rente, investissements massifs dans les énergies renouvelables produites en Suisse afin de stabiliser l’approvisionnement et donc les prix, régulation beaucoup plus forte du secteur immobilier, etc.
En tant que membre de l’exécutif de la 2ème ville de Suisse, je constate que l’actuelle spirale droitière engendre non seulement une fracture économique et sociale croissante mais aussi des reports de charges sur les cantons et les villes, qui devront assumer très concrètement la facture, en essayant de limiter les dégâts sociaux, tout en faisant face à des demandes de baisses fiscales de nature populiste.
Il ne s’agit pas seulement d’idéologie ou d’idéalisme, mais aussi d’éthique, de droits humains et même d’économie : la baisse du pouvoir d’achat handicapera tôt ou tard la vie économique. Et peut-être encore plus grave : c’est un ferment de division, entre générations, entre régions du pays, entre villes et campagnes, entre personnes d’origines différentes, donc un vrai poison pour la cohésion nationale de notre pays. Pensez-y lors de l’exercice de votre droit de vote en prévision des élections fédérale du 22 octobre !
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