Genève ville créative

Le blog de Sami Kanaan

  • Genève doit jouer la carte des villes

    Lors de la cérémonie marquant mon investiture comme Maire de la Ville de Genève, le mercredi 6 juin 2018, j’avais cité le professeur Benjamin Barber, célèbre écrivain et essayiste américain, décédé en avril 2017, qui avait eu ce mot célèbre : « Si les maires gouvernaient le monde, le monde irait mieux ». Barber a choisi cette formule quelque peu provocante pour mettre en avant l’importance de cette fonction et de son pouvoir d’action grâce à sa proximité avec la population et à la responsabilité très concrète d’assurer les meilleures conditions de vie possibles, pour toutes et tous, au quotidien.

    Le 18 octobre 2018, Olivier Bot, rédacteur en chef adjoint de la Tribune de Genève, publiait un texte intitulé « Genève doit jouer la carte des villes », en plaidant pour une diplomatie renforcée des villes tout en regrettant que Genève n’y soit pas assez active. Je ne peux que souscrire à la montée en puissance de la diplomatie des villes, et de son importance, tout en confirmant que Genève en fait une réelle priorité, même si elle n’est pas encore assez valorisée.

    Les villes : en première ligne

    En effet, l’enjeu des villes est d’ailleurs crucial, à Genève, comme ailleurs en Suisse ou dans le monde. La population vivant dans des centres urbains est de plus en plus nombreuse. Ces centres regroupent déjà actuellement plus de la moitié de la population mondiale, et bientôt même 70%, selon les experts des Nations Unies. Le poids économique, culturel et social des villes est considérable ; il doit impérativement être mieux pris en compte sur les plans institutionnel et politique.

    Les villes sont en première ligne, à travers le monde entier, pour prendre la mesure des défis actuels que sont les inégalités sociales, les migrations, le vieillissement, les discriminations, ou la pollution. Mais c’est aussi dans les villes que se trouve un formidable potentiel de créativité et d’innovation pour aborder ces défis, un potentiel ancré dans une envie de faire évoluer positivement le monde, tout en tenant compte des réalités de terrain. Les villes sont souvent aussi celles qui se mobilisent ensemble contre les dérives croissantes de nombreux Etats en matière de droits humains, de prévention des conflits, de gestion du changement climatique, et ainsi de suite.

    Lors de la COP21 à Paris en décembre 2015, Anne Hidalgo, Maire de Paris, avait invité près d’un millier ( !) de maires de grandes villes du monde, dont Genève, pour adresser un message très fort aux chefs d’Etat réunis à cette occasion.

    Aux Etats-Unis, les villes, y compris avec des maires républicains, sont en tête de file depuis 2016 pour contrer les dérives réactionnaires du gouvernement américain sous l’égide de Donald Trump, que ce soit en matière de gestion des flux migratoires ou de lutte contre le changement climatique.

    Très concrètement, ce sont des maires italiens qui essaient de maintenir un semblant d’humanité et décence dans la gestion de la question migratoire sur les côtes italiennes, face aux dérives fascisantes du gouvernement italien, parfois au péril de leur fonction, comme en témoigne l’action inlassable du maire de Palerme, Leoluca Orlando.

    Fin octobre, en Argentine, pays qui va accueillir le prochain sommet des puissances du G20, les Maires de Paris et de Buenos Aires ont rassemblé une belle brochette de maires des grandes villes du G20 pour adresser une déclaration ambitieuse et offensive aux Etats, exigeant enfin des démarches fortes et efficaces face aux grands défis de notre monde, démarche à laquelle plusieurs villes importantes hors G20, dont la Ville de Genève, ont été pleinement associées.

    Au mois de décembre 2018, lorsqu’auront lieu à travers le monde des manifestations majeures pour marquer les 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme ratifiée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948, en bonne partie rédigée à Genève, les villes seront aux premières loges pour en rappeler l’importance vitale.

    Genève : une ouverture internationale pour les collaborations locales

    La forte croissance des réseaux de villes témoigne de cette dynamique, croissance qui crée de belles opportunités mais aussi un risque de confusion, d’où la nécessité d’établir une stratégie proactive, pragmatique et lucide. Comment se situe Genève dans ce contexte ?

    Lorsqu’on parle de diplomatie des villes, il ne s’agit pas d’une diplomatie abstraite et protocolaire, encombrée de contingences de luttes de pouvoir et corsetée par le poids parfois lourd de l’histoire, mais d’une diplomatie concrète, à la fois ambitieuse et concrète, avec une légitimité basée sur l’expérience de la proximité. Avec mes homologues à Genève (Union des Villes Genevoises), en Suisse (Union des Villes Suisses) et dans le monde, je me rends compte à quel point nous avons intérêt à collaborer, à mettre en commun les bonnes pratiques et à faire entendre notre voix auprès des instances nationales et internationales. Genève a un rôle particulier à jouer dans cette diplomatie des villes, ce que dit Olivier Bot à juste titre, et le fait, de manière de plus en plus active.

    Genève est une ville dont le nom résonne très fort sur la scène internationale. Ses atouts et ses richesses sont reconnus dans le monde entier, dans des domaines les plus divers comme la diplomatie internationale, le siècle des Lumières, la défense de la biodiversité, la vitalité de notre monde scientifique, la promotion des droits humains, la grande diversité culturelle de sa population… Il est donc vital d’ajouter cette composante « urbaine » au spectre déjà riche de la Genève internationale, l’espace dans lequel on parle de thèmes concrets pour le quotidien de nos concitoyens et concitoyennes ! Ce poids de Genève, à la fois symbolique et réel, constitue surtout une responsabilité qui nous oblige à nous intéresser aux enjeux du monde, sans perdre de vue les intérêts et besoins de nos habitantes et habitants.

     

    Donner une voix à la Genève internationale

    Dans ce contexte, force est toutefois de constater que notre système de rotation annuelle de la

    fonction de maire au sein de l’exécutif de la Ville de Genève doit changer, car il est totalement illisible sur le plan suisse et international, Genève étant, à ma connaissance avec Dublin, la seule ville importante au monde à connaître ce système. Le folklore peut parfois avoir son charme, mais pas dans ce domaine.

     

    Investir les réseaux de villes

    Malgré cette restriction, Genève est membre actif dans un certain nombre de réseaux de référence, généralistes ou spécialisés. La principale organisation regroupant le plus grand nombre de villes sur la planète est CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis), dont le siège est à Barcelone, et qui est devenue le principal interlocuteur des Nations Unies lorsqu’il s’agit de prendre l’avis des villes. La Ville de Genève y préside la Task Force sur la résilience des villes, qui examine de près la capacité des villes à gérer dans la durée des crises majeures et à passer d’un mode réactif à une mode proactif et durable. Cette Task Force est elle-même un des piliers de la « Global Alliance on Urban Crises » (GAUC), qui regroupe de très nombreuses organisations internationales dans le domaine de l’urbanisme et de la gestion et prévention des crises, mais aussi de grandes organisations autonomes et non-gouvernementales, et des réseaux de villes. La GAUC s’est d’ailleurs réunie récemment à Genève, avec l’appui de la Ville de Genève. Et la Ville de Genève sera l’un des partenaires essentiels, avec d’autres villes de la grande réunion de la Plateforme internationale sur la réduction des risques de catastrophes (qu’elles soient socio-économiques, migratoires, climatiques…), sous l’égide de l’agence onusienne UNISDIR, au mois de mai 2019.

    La Ville de Genève est également membre actif du Bureau de l’AIMF (Association internationale des maires francophones), dont l’Assemblée générale s’est tenue à Lille début novembre, et qui permet en particulier des liens forts entre des villes européennes, nord-américaines et africaines, avec de nombreux projets concrets de collaboration. Genève est également présente dans de nombreux réseaux spécialisées, comme le programme Cités interculturelles du Conseil de l’Europe (diversité culturelle), Mayors for Peace (lutte pour contre la course aux armements, notamment nucléaires), Rainbow Cities (engagement pour les droits des personnes LGBT), les réseaux émergents en matière de soutien à la finance durable, etc. Elle développe aussi depuis deux ans sa présence dans les réseaux liées  la transition numérique et la gestion urbaines, comme « Open and Agile Smart Cities ».

    Porter les promesses du futur : du local au global

    Cette composante essentielle de la diplomatie des villes, qui doit prendre sa place dans la Genève internationale, fait l’objet de contacts pour la mise en place d’une coordination efficace avec la Confédération suisse et sa représentation à Genève, ainsi qu’avec l’Office des Nations Unies à Genève. Le Canton a tout intérêt à également appuyer cette démarche, dans la mesure où elle renforce très clairement l’écosystème de la Genève internationale, et qu’elle évite que d’autres centres internationaux ne s’en emparent.

    Comme le disait Victor Hugo, « Les villes portent les stigmates des passages du temps, et occasionnellement les promesses d’époques futures.» A nous de nous engager pour que ces promesses existent et soient suivies d’effets, pour toutes et tous.

  • Frais professionnels : de quoi parle-t-on ?

    Le Conseil administratif (Exécutif) de la Ville de Genève a publié jeudi 8 novembre les montants des dépenses des frais professionnels des membres du Conseil pour ces 10 dernières années, par analogie avec le tableau publié par la Cour des comptes pour l’année 2017 dans son rapport. Dès la publication de ce rapport, j’ai insisté pour cette transparence car j’estime qu’elle est nécessaire. C’est une question de principe pour restaurer la confiance, mais aussi l’occasion de comprendre de quoi il s’agit. Me concernant, ce sont des dépenses justifiées, liées à des projets de la Ville ou à ma fonction ; la Cour des comptes n’a d’ailleurs pas relevé d’éléments problématiques à mon sujet. J’ai donc décidé d’apporter un éclairage beaucoup plus détaillé concernant mes dépenses, qui se composent surtout de voyages. Entre-temps, le dispositif de gestion des frais a été complètement réformé, avec notamment un système de contrôle adéquat, qui permettra d’éviter des dérives objectivement inacceptables. Des modifications supplémentaires y seront encore apportées afin d’atteindre le bon équilibre en matière de transparence.

    Les facettes d’une fonction de membre de l’exécutif de la deuxième ville de Suisse et d’une ville internationale sont multiples, avec un ancrage dans l’activité du département dont on a la charge et une participation au collège exécutif pour l’ensemble des enjeux de la Cité. La responsabilité et l’ambition de contribuer au rayonnement et à la promotion de Genève, afin d’assurer sa place sur le plan fédéral et international, font clairement partie des attributions du mandat, surtout lorsqu’on s’occupe de culture et de sport. J’ai toujours exprimé ma volonté d’y œuvrer très activement. Par ailleurs, dans le cadre de la répartition des tâches au sein du Conseil administratif, j’assure une présence régulière de Genève dans des réseaux institutionnels sur le plan national ou international, ou lors de rencontres ad hoc.

    Genève sur la carte Suisse
    En Suisse, Genève a longtemps eu la réputation de snober ses partenaires au niveau fédéral. J’ai tenu à faire partie de celles et ceux qui estiment que cela devait changer concrètement, et c’est un engagement qui fait sens et qui produit des résultats ! Genève est entre-temps nettement mieux reconnue sur le plan fédéral dans le domaine culturel (festivals de cinéma, musées, …). Elle a renforcé sa présence dans le domaine du sport, si on pense aux manches accueillies de la Coupe Davis, au Geneva Open ou à la prochaine Laver Cup en 2019.
    En tant qu’élu délégué par l’exécutif de la Ville au Comité de l’Union des villes suisses (organe officiel qui porte la voix des villes au niveau national, et dont je suis vice-président), je participe à un certain nombre de séances par année à Berne, ainsi qu’à la Journée annuelle des villes suisses. Je participe également en tant que responsable de la délégation des villes au sein du Dialogue culturel national mis en place par le Conseil fédéral, ou à la Conférence tripartie du territoire. De même, je me rends régulièrement au Festival de Locarno pour son volet institutionnel et politique ; la Ville de Genève est, par exemple, co-organisatrice avec le Canton de Genève et la Ville de Zurich des Quartz, les Prix du cinéma suisse.

    Genève internationale
    Par ailleurs, notre ville ne serait pas ce qu’elle est sans la Genève internationale. J’estime qu’il est nécessaire de renforcer le rôle des villes au sein des institutions onusiennes à Genève, d’attirer des réseaux de villes et d’affirmer la place des organisations internationales déjà présentes dans notre ville. Dans un billet paru dans la Tribune de Genève le 18 octobre 2018 et intitulé « Genève doit jouer la carte des villes », Olivier Bot, rédacteur en chef adjoint, relevait d’ailleurs l’importance de cette nouvelle composante des relations internationales. Cette ambition pour Genève implique forcément des déplacements, en Suisse à l’étranger, et donc des frais (train, avion, hôtels, etc.).

    Sur le plan international, je représente également la Ville au sein de l’Association internationale des maires francophones (AIMF, l’association de référence des villes au sein de la francophonie). A cet effet, je suis par exemple allé en 2017 à Montréal où se tenait son Assemblée générale annuelle (le syndic de Lausanne y était d’ailleurs également). Les années précédentes l’AIMF s’était réunie à Yerevan, Bruxelles, Beyrouth, Abidjan, Lafayette (USA), Paris ou Tunis. J’y rencontre d’ailleurs des représentant-e-s d’autres villes romandes, comme Lausanne, Montreux ou Vernier. Il m’arrive aussi de devoir renoncer à y aller, bien sûr, lorsque ce n’est pas compatible avec mes obligations et engagements locaux.
    En 2018 j’étais à Strasbourg pour la session du Comité mondial et au Bureau Exécutif de CGLU, la plus grande association faîtière de villes, afin de négocier très concrètement le renforcement de la présence de ces réseaux à Genève. L’importance de mener ces démarches est confirmée par de nombreuses études de la Genève internationale qui démontrent de manière tangible l’apport à la prospérité de notre région.

    Culture et sport
    Mes responsabilités en tant que magistrat en charge du Département de la culture et du sport expliquent également ces dépenses. Des succès comme la venue des Géants (de Nantes), l’accueil de la Laver Cup (l’an prochain) ou des demi-finales de la Coupe Davis ; la participation active de Genève à l’exposition universelle de Milan en 2015 aux côtés de Bâle et Zurich dans le cadre du Pavillon suisse, ou les partenariats de promotions des artistes et acteurs culturels de Genève aux Rencontres photographiques d’Arles (avec le Canton et Présence Suisse) ou au Festival d’Avignon ont nécessité de se déplacer, d’aller rencontrer, créer un lien, convaincre, pour que Genève existe sur la carte culturelle et sportive.
    Ainsi les montants qui me concernent correspondent à mon action comme magistrat pour Genève : une ville internationale, dynamique, qui tisse des partenariats, trouve des soutiens et attire des ressources et des talents.
    Vous trouverez dans le document ci-joint des explications plus précises pour chaque poste du tableau publié par le Conseil administratif.

    Dans d’autres villes, qui disposent d’un-e maire pour toute la durée de la législature, celle-ci ou celui- ci dispose a priori de revenus plus élevés et de moyens plus conséquents par rapport à ses collègues. Pour cette raison et surtout pour assurer une clarification des rôles et une plus grande continuité et efficacité dans le travail de représentation, il serait enfin temps de changer le système dépassé que nous avons à Genève, en instaurant une véritable mairie.

    Changement des règles
    La revendication de transparence et de rigueur est tout à fait légitime, et je souhaite que, dorénavant, le Conseil administratif publie annuellement des informations concernant ses déplacements et autres frais professionnels, sous une forme adéquate. Ces publications ne pourront néanmoins pas simplement se faire sous forme brute ; elles devront être expliquées car les chiffres bruts ne signifient rien.
    Parmi les règles qui ont déjà changé, outre l’introduction d’un contrôle systématique du bien-fondé de ces dépenses, figurent (sur ma proposition) des règles plus strictes en matière de voyages (validation préalable, reporting par la suite, etc.), ainsi que la suppression des forfaits journaliers en déplacement (prise en charge uniquement de frais effectifs sur présentation de justificatifs adéquats), l’arrêt de la prise en charge de toute dépense en deçà de 30 francs, etc. Ces différentes mesures entraîneront d’ores et déjà des économies nettes de quelques dizaines de milliers de francs par année. La prise en charge des taxis sur le territoire municipal devrait être supprimée selon moi, une prise en charge qui ne me paraît pas adéquate, sauf exceptions justifiées.

    La suppression de l’indemnité forfaitaire est également en discussion, ce qui entraînera dans les faits une diminution nette de salaire. On peut aussi imaginer un maintien, mais à condition qu’elle couvre beaucoup plus de dépenses courantes sur le territoire genevois qu’auparavant, par analogie avec la plupart des autres villes suisses. J’ai d’ailleurs contacté mes collègues des autres grandes villes suisses au sein de l’UVS afin d’avoir des informations directes et fiables sur leurs règles et pratiques, en particulier sur la manière dont elles traitent et imputent comptablement leurs dépenses. En effet, nos homologues des grandes villes comme Lausanne, Bâle ou Zurich se déplacent également en Suisse à et à l’étranger, y compris sur des distances lointaines, élément qui ne semble pas figurer pas dans les comparaisons publiées.

    Plus de transparence
    Cette transparence vise à restaurer une nécessaire confiance. J’envisage également de trouver un moyen de rendre public mon agenda, sous réserve des éléments objectivement internes ou confidentiels. Depuis plusieurs années, mes déplacements officiels font déjà l’objet d’une communication dans le cadre de la newsletter interne aux collaborateurs et collaboratrices de mon département. J’ai par ailleurs fait élaborer et adopter par mon Département cette année une directive pour gérer et cadrer les conflits d’intérêt, qui sera bientôt généralisée à l’ensemble de l’administration municipale.

    Ce débat sur la transparence dans l’action publique, et ce qu’on entend par celle-ci, ne fait que commencer, à mon avis, de même que celui sur la gestion des conflits d’intérêt. Débat passionnant et essentiel, que, j’espère, nous pourrons mener de manière sereine et équilibrée !

     

    Annexe 1: détails des frais et précisions

     

  • Déclaration liminaire devant le Conseil municipal

    Je souhaite rendre disponible par écrit la Déclaration liminaire faite en tant que maire de Genève au nom du Conseil administratif en ouverture de la séance du Conseil municipal de la Ville de Genève du 13 novembre 2018 (seul le prononcé fait foi).

    _________________________________________

    Monsieur le Président du Conseil municipal,

    Mesdames les Conseillères municipales, Messieurs les Conseillers municipaux,

    En tant que Maire, je souhaite intervenir avec une Déclaration liminaire précisant un certain nombre d’éléments essentiels relatif à cet audit, et qui faciliteront la tâche aux membres de ce Conseil pour poser les questions orales, ainsi que pour traiter les nombreux textes déposés.

    La Cour des comptes a donc publié son audit relatif aux frais professionnels des membres du Conseil administratif et de la direction. Ce faisant, cet audit a questionné un système qui a toujours existé, un système qui reposait sur la responsabilité individuelle et sur la confiance réciproque. Dans les faits, ce dispositif relève donc pour large partie d’un droit coutumier.

    Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire au nom du Conseil administratif, le rapport de la Cour est utile et pertinent. Il a permis de constater les faiblesses et lacunes de ce dispositif, qui ne correspond plus aux attentes et pratiques d’aujourd’hui. En mettant en exergue des pratiques très différentes selon les magistrats, en dévoilant aussi quelques cas de dérives injustifiables, ce rapport sonne la fin du système qui prévalait. Par rapport à la Cour des comptes, je précise d’ores et déjà que le Conseil administratif a accordé un accès illimité à la Cour pour le progiciel de gestion financière de la Ville, SAP, accès effectif dès cette semaine pour assurer le suivi de l’audit, et ce conformément à la requête de la Cour.

    Désormais, de nouveaux outils de gestion permettront un contrôle rigoureux du bien fondé de chaque dépense, avec un pouvoir accru à la Magistrate en charge des finances qui n’existait pas jusqu’à présent. Les cas d’abus ne pourront plus se reproduire.

     

    Pour mémoire les principaux points de ce nouveau dispositif :

    ·         Le Conseil a adopté récemment un nouveau Règlement sur la prise en charge des frais effectifs, en remplacement des dispositions existantes, notamment le modèle de la Fédération des Entreprises Romandes (FER) utilisé depuis 2006. Dans le cadre de ce règlement, le Conseil administratif a défini les frais effectifs et les règles de remboursement de ceux-ci.

    ·         Le Conseil a modifié la gestion des cartes de crédit professionnelles. Celles-ci seront dorénavant à la charge des comptes personnels des titulaires, qui devront donc payer les frais, puis les présenter sous forme de notes de frais avec tous les justificatifs requis, afin de permettre un meilleur suivi de ces dépenses ainsi qu’un contrôle adéquat avant le remboursement.

    ·         Dorénavant les voyages hors de Genève doivent être explicitement autorisés, avec documentation de l’objectif, de la destination, de la délégation et du financement, et faire l’objet d’un rapport ensuite.

    ·         Enfin, le Conseil institue un contrôle croisé des dépenses de ses membres par le/la magistrat-e en charge des finances et, pour lui/elle, par le/la Maire (ou le/la Vice-Présidente si le/la magistrat-e en charge des finances est Maire). Ce système de contrôle de premier niveau ne préjuge pas des niveaux de contrôle ultérieurs, notamment par le Contrôle financier. A noter que les frais de représentation faisaient déjà partie du périmètre du Contrôle financier mais il faudra veiller à ce que soit mieux formalisé et appliqué.

     

    Bien sûr, nous avons pris pleinement la mesure du choc créé par ce rapport, et notamment par certains cas spécifiques qui y sont cités. Cette émotion, cette colère, sont légitimes. Devant vous ce soir, je voudrais redire ceci, en tant que Maire, même si cela sonne comme une évidence – certaines évidences doivent parfois être redites – aucun frais privé ne doit jamais être pris en charge par la collectivité. De plus, ces frais doivent être justifiables et justifiés en lien avec notre fonction, et attester d’un emploi judicieux et économe des derniers publics. Un point est cependant central : aussi consternants et condamnables puissent être les quelques exemples mis en exergue par ce rapport, la quasi-totalité des frais mentionnés sont des frais professionnels légitimes. Ils ont été mis au service de la fonction et des projets de la Ville de Genève, et non de la personne. Il s’agit ici d’éviter les amalgames injustifiés. Par ailleurs, vous savez que le Ministère public a ouvert une procédure pénale contre inconnu. Elle permettra de faire toute la lumière sur la situation et de lever tout doute.

    Quant au cas spécifique de la téléphonie, il a été entre-temps abondamment commenté et expliqué. De toute manière, les abonnements actuels en vigueur depuis juillet 2018 ne permettraient plus de pareilles dépenses, vu qu’ils sont sous le régime du montant forfaitaire.

    La Cour des comptes ne remet d’ailleurs pas en question le principe de l’indemnité forfaitaire ni son montant, ainsi que la prise en charge des frais, à condition que le dispositif soit amélioré et précisé. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la fonction de Conseiller administratif ou de Conseillère administrative est une charge qui dépasse le cadre horaire habituel de travail et s’étend très régulièrement aux soirées et week-ends, voire sur les jours fériés. Cette fonction implique une forte activité de représentation dans les situations les plus diverses. La discussion est en cours au sein du Conseil administratif : soit l’indemnité forfaitaire couvre les frais inhérents aux activités de représentations sur le plan local à Genève (comme à Bâle ou à Zurich, par exemple, ou comme cela semble être le cas pour la majorité des membres du Conseil d’Etat), soit elle est supprimée et remplacée uniquement par des remboursements effectifs, avec l’avantage de la transparence détaillée et l’inconvénient d’un travail comptable accru.

    Sur le niveau des montants articulés, je souhaite rappeler que les déplacements des magistrats hors de Genève pour raison professionnelle sont inclus dans les chiffres publiés sur 10 ans, et non imputés aux projets concernés comme cela se fait ailleurs. Cela explique les différences de frais d’un Conseiller administratif à l’autre. Parfois, il suffit de deux déplacements dans l’année pour atteindre des montants relativement importants. Ne plus voyager, ne plus recevoir, c’est aussi accepter de ne plus remplir une partie du cahier des charges. Cela ne semble pas souhaitable.

    Pour conclure, j’aimerais réitérer la disposition du Conseil administratif à collaborer pleinement avec la commission des finances, qui est notre interlocutrice sur les problématiques dont il est question. Je souhaiterais enfin retenir, que si le rapport de la Cour des comptes n’a pas été des plus agréables pour le Conseil administratif, elle aura eu le mérite de lancer une vague qui ressemble bien à une lame de fond, en matière de transparence publique. Une lame de fond qui dépasse largement Genève et permettra, au final, de renforcer la nécessaire confiance que les habitantes et habitants de notre pays se doivent de pouvoir accorder à leurs autorités.

     

  • La culture, créatrice de valeurs à Genève

    Economie culturelle et créative : j’ai ouvert ce chapitre au cours de ma première législature, en 2014, alors que l’approche n’existait pas à Genève et était largement taboue. Je voulais d’une part démontrer – si besoin était – le rôle essentiel de la culture dans l’économie de la Cité, d’autre part identifier de nouveaux outils pour stimuler l’ancrage et le développement culturel à Genève sous de nouvelles formes.

    Lorsque l’on se lance dans un débat sur l’économie culturelle et créative, que ce soit sur les plans académique ou politique, on découvre avant tout la polysémie du terme. Il s’agit donc dans un premier temps de le  clarifier, et je soutiens, pour ma part, une vision politique large qui s’intéresse à la diffusion et aux effets de la créativité et de l’innovation dans l’économie, mais aussi dans la société. Une vision dans laquelle la mesure de l’impact économique de la culture ne repose pas uniquement sur la mesure de son importance économique directe, mais aussi sur son impact économique indirect ; sur la créativité, la qualité de vie, le lien social, la santé, l’innovation, la  citoyenneté… La culture est créatrice de valeurs – au pluriel.

    Du chemin a été fait et aujourd’hui pour une majorité, le lien fructueux entre l’un et l’autre domaine est aujourd’hui communément admis, tout en respectant pleinement l’autonomie et l’identité respectives des deux domaines que sont la culture et l’économie.

     

    Une prospérité culturelle

    Certes, la culture a un poids économique direct, comme l’a démontré l’étude menée en 2017 par la Haute Ecole de Gestion de Genève à la demande conjointe de la Ville et du Canton de Genève. Mais culture et créativité ont un impact tout aussi important en tant que facteurs de croissance et générateurs d’emplois, moteurs de l’innovation sociale et contributeurs à la qualité de vie. Des valeurs que l’on pourrait rassembler, dans une perspective consensuelle, sous le terme de « prospérité », qui fait sens dès lors qu’elle est durablement partagée, de manière équitable.

    « Créer de la prospérité à partir de l’effervescence culturelle », c’est sous ce titre que la Chambre de Commerce de Montréal Métropolitain (CCMM) a édité, au printemps 2017, une série de recommandations dans le cadre des consultations pour une nouvelle politique culturelle, menées par le Gouvernement du Québec. Dans ce document, la Chambre de Commerce de Montréal émet dix recommandations dont elle souligne, « qu’elles ne s’orientent pas nécessairement dans une optique de rentabilité commerciale ».

    Ces recommandations, qui se fondent sur trois axes – agir sur la demande, renforcer le développement de l’offre culturelle et enrichir le soutien à la culture – sont édifiantes. Elles expriment un véritable souci du bien commun de la part d’une institution dont la finalité semble a priori assez éloignée de celle des pouvoirs publics en charge des politiques culturelles ou de celles des artistes et acteur-trice-s culturel-le-s.

     

    10 recommandations de la Chambre de commerce de Montréal pour la culture

    Je relève notamment l’intérêt affiché par la Chambre de Commerce pour la « citoyenneté culturelle », renforcée par la numérisation des contenus et la multiplication des canaux de distribution. Ce n’est là qu’une des dix recommandations émises mais l’ensemble de la démarche est remarquable et c’est pourquoi j’ai souhaité les inviter à exposer à Genève les raisons et la manière dont elle s’implique dans la promotion et le soutien à la culture au Québec.

    Un forum pour le développement de la région

    Ce sera donc ce jeudi 15 novembre, au cours d’une journée de réflexion et d’un débat que mon Département organise conjointement avec la Chambre de commerce et d’industrie de Genève et la Banque cantonale de Genève.

    Je me réjouis donc qu’à Genève aussi, des acteurs et actrices économiques locaux et internationaux expriment un intérêt à réfléchir de manière constructive aux politiques culturelles, ensemble avec des acteurs et actrices culturelles, des artistes et des représentant-e-s des collectivités publiques, dans l’optique d’un souci commun pour le développement de la ville et de la région.

  • #ACTMedia: ouvert et offensif !

    Dystopie : dans 5 ans, plus aucun titre de la presse écrite sur support papier en Suisse romande. Au rythme où se succèdent les restructurations, ou plutôt les liquidations, on peut sérieusement le craindre. Peut-être 20 Minutes et le Matin Dimanche, mais je ne mettrais pas ma main au feu. Car on doit s’attendre à de nouvelles annonces de restructurations avec licenciements, très prochainement, si les rumeurs sont exactes. Et cela, aussi bien à la Tribune de Genève / 24 Heures qu’au Temps, dont l’existence même pourrait être en danger, malgré des résultats corrects en matière de lectorat et d’équilibre entre numérique et papier.

    Des rumeurs crédibles ? Malheureusement, au vu des récentes annonces et des échos venant de l’intérieur des rédactions. Las, le Temps n’atteindrait pas les 15% de rentabilité annuelle, objectif fixé par l’éditeur. Quand on sait que les titres Edipresse parvenaient au mieux à une rentabilité de 5-6% par an, on comprend bien qu’un tel objectif ressemble plus à une mise à mort programmée qu’à une véritable stratégie, certes risquée et audacieuse, mais réfléchie et constructive. Qu’est-ce qui peut rapporter 15% par an, aujourd’hui, à part des investissements à haut risque et spéculatifs ?

    Le schéma selon lequel de méchants éditeurs alémaniques auraient décidé de faire disparaître les titres romands – schéma facile que certains aiment propager – ne tient pas une seconde; les restructurations sont aussi drastiques en Suisse allemande, peut-être avec un certain décalage dans le temps, la différence se jouant aussi dans la taille du marché.

    Face à l’hécatombe : sortir de la plainte et chercher des solutions

    A Genève, on a vu successivement disparaître La Suisse et le Journal de Genève dans les années 1990 ; quant à la Tribune de Genève, elle s’est vue mise sous tutelle, avec une délocalisation de la plupart de ses rubriques à Lausanne, ne conservant que ses rubriques locales et culturelles, pour simplifier… Seuls résistent à Genève (pour combien de temps?) Le Courrier et quelques gratuits.

    Face à cette hécatombe, la messe semble dite. A chaque restructuration, le même scénario se déroule : des pleurs et des hurlements, de grandes déclarations choquées, de vaines tentatives de « médiation » de la part d’autorités cantonales auprès d’éditeurs qui n’en tiennent aucun compte… et la poussière retombe jusqu’à la prochaine étape de la démolition.

    Faut-il juste s’en accommoder ? Après tout, il reste les radios et télévisions locales, la RTS, et bien sûr un champ illimité d’options sur internet ! En réalité, plutôt que de conserver une attitude réactive et plaintive, il devient urgent de faire preuve de lucidité et de se poser quelques bonnes questions, afin de tenter de trouver des réponses adéquates.

     

    Préciser tout d’abord un certain nombre d’enjeux

    Premièrement, et même si ce n’est pas anodin, le glissement du papier vers le numérique n’est pas l’enjeu principal. Car dans le cas des médias, sauf exceptions, le papier va perdre du terrain, irrémédiablement. Les avantages du numérique, lorsque la publication est bien pensée, sont indéniables. Je ne suis pourtant pas un partisan forcené du « tout-numérique » et reconnais qu’il y a plusieurs domaines où le papier garde à la fois sa légitimité et son audience – c’est le cas de la littérature, des beaux-livres, des essais. Pour la presse, le réel enjeu, c’est l’existence de vecteurs d’information de qualité, avec une mise en perspective et une ligne rédactionnelle claire, qui contribuent à l’information vérifiée et vérifiable, et à la formation de l’opinion publique. A titre personnel, je reconnais n’acheter que rarement un journal papier et ne regarde qu’exceptionnellement une émission de télévision à l’heure prévue, à part les bulletins d’information. Et pourtant, je ne suis pas un « millenial »…

     

    Fake news et capacité démocratique

    Deuxièmement, il faut relever que les « fake news » ne sont pas en tant que telles une nouveauté dans l’histoire. Les théories du complot et autres médisances colportées au café du coin, voire générées dans les arrière-cours des différents lieux de pouvoir, sont vieilles comme l’humanité. C’est le caractère exponentiel de leur puissance toxique due à la vitesse et l’ampleur de diffusion que permet internet qui fait la différence. Comme bien d’autres éléments de notre société, ce sont la globalisation et la massification de ce phénomène, à une vitesse quasi luminique, qui en fait un élément particulièrement dangereux pour nos démocraties et l’Etat de droit si l’on ne réussit pas à construire des contrepouvoirs et à rétablir des équilibres.

     

    Business model historique cassé

    Troisièmement, il est utopique de croire que la majorité des grands éditeurs privés ait encore la moindre intention d’éditer des médias au sens classique du terme, qu’ils soient imprimés ou numériques. Cela ne rapporte pas assez. En partie par leur propre faute : ils ont en effet largement contribué à vider de leur substance économique les médias existants en captant leurs sources de recettes (annonces, gratuité massive, publicité) pour les séparer des supports éditoriaux. Une fois le business model historique fracassé, sans alternative, ils tirent la prise sans scrupules afin de préserver le bénéfice pour les actionnaires. A leur seule décharge, il est exact qu’eux-mêmes font aussi face à une concurrence très dure de la part des géants du net – Google, Amazon, Facebook, etc. – en matière de publicité en particulier. Comme le relatait la presse suisse le samedi 8 septembre, 80% des revenus publicitaires sont captés par les GAFA.

     

    Repenser les possibilités de soutien public… et la manière de les financer

    Quatrièmement, il devient incontournable d’évaluer franchement des options de financement incluant des fonds publics. Il est vrai que l’on entend souvent que les pouvoirs publics ne devraient pas s’impliquer dans le financement des médias, au nom de leur indépendance. Mais que faire face aux privés qui se retirent du secteur ? En tant que politiques, nous sommes devant un dilemme cruel : laisser le système s’effondrer en bonne partie ou soutenir des alternatives crédibles.

    En réalité, l‘enjeu en termes de financement privé (hors mécénat) est plus large: comment la Suisse, malgré son mantra ultra-libéral en matière de régulation, pourrait rejoindre d’autres pays dans les discussions sur les moyens de contraindre les multinationales du numérique à assumer leurs responsabilités diverses, dont fiscales, mais aussi en termes de co-financement de tâches d’intérêt public ? Je pense notamment à la diversité de la création audiovisuelle, mais aussi, pourquoi pas, à la diversité du paysage médiatique. Il faut pour cela briser le cercle vicieux où chacun des acteurs mène un lobbying forcené pour échapper à toute obligation, sous prétexte que ses concurrents directs ne sont pas soumis à la même obligation. Les opérateurs de téléphonie mobile comme Swisscom, les câblo-opérateurs comme UPC, les fournisseurs et diffuseurs de contenus de loisirs comme Netflix, et bien sûr les GAFA, etc., doivent contribuer, selon des règles à préciser, à cet effort dans l’intérêt général. « Médias Suisses » le relate de manière très claire dans la presse du 8 septembre, comme évoqué ci-dessus, et une force de régulation supranationale est indispensable.

     

    Quant aux enjeux démocratiques soulevés

    Cinquièmement, pour l’accès à l’information comme pour bien d’autres enjeux liés au numérique (cybercriminalité, protection de la sphère privée, marchandisation à outrance, mutations rapides et profondes du marché du travail, etc.), il est indispensable de renforcer massivement toutes les démarches visant à rendre les gens capables de mieux appréhender ce monde et à conserver la capacité de se compter en citoyennes et citoyens autonomes. Lors du débat sur l’initiative No Billag, beaucoup de jeunes ont démontré que, s’ils ne regardent plus la télévision selon une grille programmatique prédéfinie et ne lisent plus un journal « classique », il ressort néanmoins des études qu’ils recherchent toujours une information structurée et fiable, et comptent sur les médias, en particulier public, pour garantir un débat transparent et démocratique. Des éléments plutôt rassurants.

     

    Repenser la chaîne de valeur des médias…

    Sixièmement, enjeu connexe en lien avec le développement exponentiel de la production et la diffusion de contenus via le net : qui paie quoi et pour quelle valeur ? Car une prestation n’est jamais gratuite. Pourtant, sur le net comme dans les caissettes de 20 Minutes, cette illusion de gratuité domine. Or, si ce n’est pas le consommateur et/ou le contribuable qui paie, et hors cas de figure du mécénat ou du bénévolat, l’entreprise doit bien générer des recettes. La musique a servi de précurseur, non sans conséquences lorsqu’on voit la révolution compète et brutale des schémas de rémunération des artistes et autres acteurs de la chaîne musicale ! Ceci touche également les médias.

     

    La Loi sur les médias électroniques : une opportunité à saisir ?

    Septièmement, sur le plan fédéral se discute actuellement la révision de la loi sur la radio et télévision (LRTV), renommée loi sur mes médias électroniques (LME) mais dont on peut déjà craindre qu’elle manque largement sa cible. Ouvrant de nouvelles opportunités de soutien public au-delà de l’audiovisuel « traditionnel », ce qui est une nouveauté déjà importante par rapport à l’historique du domaine et aux majorités fédérales, elle reste néanmoins beaucoup trop timide. Nous en sommes néanmoins au stade de la consultation. La réflexion doit être menée rapidement pour permettre d’en faire l’outil dont les médias suisses ont besoin !

     

    Quelques propositions maintenant.

    Réunir les collectivités publiques

    Ce qui est possible dans le domaine culturel, à savoir des financements publics pour des projets ayant une dimension économique, et qui n’interférent pas dans les contenus et la programmation, devait être aussi possible dans les médias. On peut citer en exemple la belle démarche romande qui a permis la création en 2011 de Cinéforom, la Fondation romande pour le cinéma, ou, plus modestement, le soutien initié par la Ville et le Canton de Genève aux libraires indépendantes pour leur activité culturelle.

     

    Limiter la concurrence étrangère et élargir l’assiette de financement

    Une trop grande ouverture à la concurrence est néfaste ; ainsi le fait par exemple d’accepter comme c’est le cas aujourd’hui que des télévisions étrangères puissent faire de la publicité axée spécifiquement sur le marché suisse, alors qu’elles ne contribuent en rien au financement d’activités d’intérêt général, est absurde. En matière de partage du « gâteau publicitaire », la Confédération trouverait là une opportunité de réunir les différents acteurs suisses du domaine.

    Il faut également sérieusement traiter la question mentionnée ci-dessus de la contribution (qui ne serait pas du tout volontaire!) des différents opérateurs numériques à des enjeux d’intérêt général, ce qui inclut le fait de préserver et encourager un paysage médiatique diversifié.

     

    Reprenons l’initiative d’un débat ouvert et offensif !

    L’essentiel, en tout état de cause, est d’assumer ce débat de manière plus ouverte, offensive et créative que jusqu’à présent. Une contribution dans ce sens réside dans la journée que j’ai pris l’initiative d’organiser dans le cadre de mon année de mairie, le 14 septembre prochain à Genève, incluant un Hackathon et de nombreux intervenants qui ont un rôle et une opinion face à l’évolution du paysage médiatique. En prévision de cette journée, j’ai mandaté Fabio Lo Verso pour établir un rapport (ci-joint) qui documente les différentes initiatives et propositions citées ci-dessus. Il offre de manière inédite, à ma connaissance, ces éléments réunis de manière synthétique.

    Enfin, et pour ne pas en rester à une simple journée de débats, aussi intéressante puisse-t-elle être, la journée fera l’objet d’un hackathon co-organisé avec l’association Open Geneva, celui vise à s’inscrire dans le développement d’un projet sur le long terme. A la suite de cette journée, j’aimerais que soient rapidement organisés des Etats-généraux des médias, à l’échelle lémanique voir romande, réunissant cantons et principales villes, afin de clarifier quel pourrait être le rôle des pouvoirs publics dans ce domaine, et de tenter d’harmoniser nos approches et formuler des solutions concrètes.

     

    Informations et inscriptions au hackaton : www.ville-geneve.ch/mairie-actmedia

    Programme de la journée en PDF: > télécharger

    Rapport “L’aide aux médias à l’ère numérique”: > télécharger

Sami Kanaan est Maire de Genève 2014-2015, 2018-2019 et 2020-2021, Conseiller administratif en charge du Département de la culture et du sport, puis de la culture et du numérique, Président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, Vice-président de l’Union des villes suisses et Président de l’Union des villes genevoises.

suite…

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