Genève ville créative

Le blog de Sami Kanaan

  • Les médias ont besoin de colibris

    Ces jours, plusieurs personnalités genevoises ont lancé un appel public au Conseil d’administration de la RTS, critiquant le projet de transfert de tout le secteur de l’Actualité de Genève à Lausanne, sur le nouveau site « Campus » de la RTS. Selon la RTS, ce projet permettrait de concrétiser le principe de la SSR d’économiser plutôt sur les surfaces que sur les emplois. Cette situation illustre les contradictions des Chambres fédérales, ou du moins de nombreux de ses membres, qui adoptent une attitude paradoxale, en exigeant des économies drastiques de la part de la SSR, tout en refusant leur mise en œuvre, et alors que les mêmes Chambres s’ingénient à brimer les sources de revenus et à faciliter la vie des concurrents privés directs, notamment étrangers. Cette équation ne pourra pas fonctionner, ou alors au détriment justement des médias de service public. Ce serait le comble que certains des partisans de No Billag atteignent ainsi leurs objectifs grâce à une partie de ceux et celles qui les ont combattus !

    Ce débat est un exemple parmi d’autres de ce qui se passe malheureusement lorsqu’il s’agit de média et de leur avenir dans ce pays, à savoir une attitude réactive, de cas en cas, et sans vision globale. En septembre 2018, j’avais initié à Genève une journée de réflexion, #ACTmédia, afin d’aborder de manière élargie les enjeux de l’avenir des médias, aussi sur le plan global que sur le plan local. A cette époque, nous faisions face à l’avant-projet de Loi sur les médias électroniques (LME), initié par l’Office fédéral de la communication. Ce projet suscitait de fortes critiques de tous bords mais avait au moins le mérite de concrétiser un réel débat sur le plan fédéral, suite à la votation No Billag. Depuis, ce projet semble parti aux oubliettes, avec le changement à la tête du Département fédéral concerné. La journée #ACTmédia avait, bien évidemment, confirmé à quel point ce débat est à la fois essentiel et complexe, et qu’il comporte aussi des risques, mais que cette complexité ne doit pas empêcher d’agir. Deux rapports établis dans le cadre de cet événement par MM. Lo Verso et Nappey ont par ailleurs confirmés que des solutions existent et resserré la réflexion autour d’elles.

    L’une des questions abordées ce jour-là est celle du rôle d’une collectivité locale, comme par exemple la Ville de Genève. En apparence, nous pourrions dire que nous ne sommes pas concernés, ou que nous ne pouvons rien faire. Je suis intimement persuadé du contraire. Je vais donc tenter de résumer de manière forcément télégraphique ce qui me semble devoir être la position d’une Ville comme la nôtre, en 10 points :

    1.         En tant que Ville, Genève a un rôle à jouer et une responsabilité à assumer pour contribuer à soutenir une presse diversifiée, indépendante et accessible, notamment sur le plan local mais aussi sur les plans régional et fédéral. C’est toutefois une responsabilité qui doit être partagée avec d’autres collectivités publiques.

    2.         Dans le cadre de la diversité du fédéralisme suisse, Genève tient à faire valoir son identité spécifique de ville internationale et multiculturelle, ville frontière, ville de finance et de culture. Genève tient donc à rester un pôle fort en matière d’activité médiatique, aussi bien locale que régionale, national et internationale, et la Ville doit s’engager activement dans ce sens.

    3.         Au vu des particularités de Genève, une attention particulière doit être accordée, à travers toute mesure engagée, à la Genève internationale, à la fois pour favoriser son ancrage local, sa valorisation sur le plan national et son positionnement sur le plan international.

    4.         Au vu de l’évolution des technologies et des pratiques, il nous faut être est favorable à une saine complémentarité des différents vecteurs de diffusion (print, radio, tv, net) et non pas à une concurrence stérile et destructrice. La préservation de journaux imprimés n’est pas un but en soi mais un axe complémentaire dans le cadre d’une stratégie plus large.

    5.         La Ville de Genève doit entrer en matière sur les outils d’aide directe, à certaines conditions. Sur le plan municipal cela consisterait notamment à orienter les moyens affectés aux annonces (soit entre 600 et 800’000 francs par an, tous médias confondus) en fonction de critères à définir et à évaluer la pertinence de maintenir sous sa forme actuelle le magazine municipal « Vivre à Genève ». Il est toutefois nécessaire de prévoir une démarche plus large en matière d’aide directe, la Ville ne pouvant agir entièrement seule (cf. point 7).

    6.         Par conséquent, la Ville de Genève doit forcément être aussi favorable aux outils d’aide indirecte. On pourrait imaginer, par exemple, le financement d’abonnements pour les jeunes ayant atteint leur 18ème année ou la gratuité des caissettes. D’autres mesures doivent être évaluées, par exemple pour soutenir les activités d’imprimerie, la formation ou l’accessibilité aux contenus numériques de qualité.

    7.         Sur le plan régional une démarche conjointe avec les villes et cantons romands doit être initiée pour évaluer des outils d’aides à la presse, en particulier sur le plan lémanique, région durement touchée par les restructurations. Mon collègue lausannois Grégoire Junod, syndic de Lausanne, et moi, avions déjà évoqué cette pite pour nos deux villes lors de la journée #ACTmédia. On pourrait imaginer, notamment la mise en place d’une institution autonome visant à contribuer financièrement la diversité de la presse par différentes mesures. Cette démarche « lémanique » constitue aussi le bon niveau pour se positionner face aux nombreuses initiatives et idées qui ont été lancées récemment. Sur le plan suisse, la Ville de Genève doit s’engager dans différents réseaux, notamment l’Union des Villes Suisses, pour une attitude plus offensive en matière de soutien à la diversité de la presse et aux médias de service public, pour une approche cohérente de la politique envers la SSR,  ainsi que pour que les opérateurs numériques soient enfin mis à contribution.

    8.         Même si l’évolution technologique et sociale dans le domaine du numérique n’est pas le seul facteur décisif pour l’évolution du paysage médiatique, il en constitue un vecteur puissant, ce qui renforce la nécessité pour les pouvoirs publics en général et pour la Ville de Genève en particulier de jouer un rôle très actif pour une transition numérique qui soit inclusive, participative, transparente et éthique.

    9.         En tant que 2ème ville de Suisse et ville internationale, Genève doit s’intéresser à toutes les composantes qui constituent un paysage médique diversifié mais elle doit accorder une attention particulière au paysage local et à sa diversité, quel que soit le vecteur de diffusion (print, radio, tv, net), dès lors que ces médias contribuent réellement à la vie sociale, culturelle, économique et politique de notre Cité. Un choix doit être effectué entre mise en concurrence selon une logique d’appel à projets et à candidatures, selon des critères à définir, et une logique de mise en pool des médias locaux avec un soutien pour la production et la diffusion de contenus liés à la vie locale.

    10.     La Ville de Genève doit préserver les moyens existants (volume d’annonces, Vivre à Genève, etc.) au moins à leur niveau actuel, quitte à les allouer différemment selon les points précédents.

     

    J’ai décidé de soumettre prochainement à mes collègues du Conseil administratif de la Ville de Genève, une série de mesures concrètes qui découlent de ces points. J’aimerais que nous puissions, sur cette  base, mettre en place les actions que peut prendre une collectivité publique de proximité comme la Ville de Genève. Celles-ci ne pourront certainement pas apporter des solutions magiques à tous les problèmes. Mais nous devons et nous pouvons agir à notre échelle, car un paysage médiatique diversifié, en termes de titres, de style, de contenus, de tendances, de vecteurs de diffusion, est vital pour notre vie démocratique et plus largement pour la vie collective, en particulier dans notre pays fédéraliste et multiculturel. Laisser la place uniquement à quelques médias commerciaux mainstream, à la gabegie des réseaux sociaux, et se satisfaire de quelques rares titres locaux et engagés, certes ultra-nécessaires mais à l’audience marginale, serait hautement toxique. J’espère que chacun et chacune, à tous les échelons institutionnels suisses, communes, mais aussi cantons et Confédération, sauront prendre la mesure du défi et mettre en place ce qui est possible à leur niveau. Car comme dans la légende amérindienne du Colibri,  « ce n’est pas avec des gouttes d’eau qu’on va éteindre le feu », mais qui sait, si chacun-e « fait sa part ».

  • Le monde de demain se prépare aujourd’hui, ensemble

    Début avril, la commission des transports du Conseil des Etats refusait à une nette majorité l’initiative parlementaire de l’élu UDC zurichois Gregor Rutz visant à limiter drastiquement la capacité des communes à introduire des mesures de limitation du trafic sur des axes principaux en milieu urbain, notamment des zones à 30 km/h.

    Ce signal, résultant entre autre d’un lobbying très actif de l’Union des Villes Suisses, alliée aux associations spécialisées, est fort réjouissant. En effet, cela signifie que la Chambre haute réaffirme l’importance de l’autonomie communale et surtout l’impérieux besoin de mesures efficaces contre les nuisances du trafic, dans ce cas surtout en matière de bruit. Mais il faut aller beaucoup plus loin !

    Selon une information rappelée ce lundi par la RTS, environ un million de Suisses sont atteints par le bruit de façon excessive. La Confédération estime que ce problème engendre 2,6 milliards de francs de coûts pour la santé, induits par le bruit du trafic. Et comme le rappelait le Temps ce matin, « La Suisse sous-estime la pollution de l’air », les autorités cantonales retardant systématiquement la prise des mesures nécessaires en cas de pics de pollution.

    Source reconnue de nuisances

    Plus largement, que ce soit en termes de bruit (une nuisance particulièrement néfaste), de particules fines, d’émission de CO2 qui renforce l’effet de serre, d’occupation d’espaces publics au détriment de la qualité de vie, de consommation excessive de ressources publiques et privées, d’agressivité accrue en raison de la surcharge de trafic, de dangers pour la sécurité des personnes, force est d’admettre que le trafic motorisé individuel en milieu urbain doit être aujourd’hui définitivement reconnu comme une source majeure et inacceptable de nuisances, qui dépassent de très loin les avantages réels ou supposés. Et il ne s’agit pas ici seulement de climat, de santé ou de sécurité mais aussi de cohésion sociale. Ces nuisances touchent principalement les gens les moins favorisés, que ce soient les personnes âgées, les enfants, les personnes handicapées, les personnes atteintes dans leur santé, et plus largement toutes celles et tous ceux qui n’ont pas la possibilité d’échapper facilement à ces nuisances, ou d’en corriger les effets les plus pervers. Même sous l’angle économique, la forte surcharge du trafic à Genève devient un problème sérieux dont les effets mériteraient aussi d’être étudiés sous cet angle.

    La Constitution instaure déjà une priorité à la mobilité douce

    Récemment aussi, les médias se faisaient l’écho d’une étude qui démontrait à quel point les cyclistes étaient mal lotis à Genève, malgré tous les efforts déjà fournis, car leur intégration dans le trafic reste hautement problématique : lacunes et points noirs dans le réseau existant de pistes et bandes cyclables, bandes cyclables souvent trop exposées au trafic automobile, stationnement sauvage fréquent sur les bandes cyclables, manque général de respect à leur égard, etc. Et certainement qu’une étude similaire pour les piétons donnerait des résultats au moins aussi désastreux. Même si des progrès ont été faits et que la Constitution genevoise instaure une priorité à la mobilité douce, même si le Conseil d’Etat entré en fonction en juin 2018 semble vouloir accorder une réelle priorité à cet enjeu, la domination massive des véhicules motorisés dans l’espace public et l’augmentation substantielle de leur nombre constituent des freins rédhibitoires pour que la situation s’améliore vraiment. En Ville de Genève, le nombre de ménages qui ont renoncé à avoir leur propre voiture a plus que doublé en 20 ans, de 20% à près de 45%. Mais cette baisse est plus que largement compensée par l’augmentation massive du trafic dans l’agglomération et sur le plan régional, ainsi que par l’augmentation du nombre de grosses cylindrées. Je rappelle pour mémoire que, selon les statistiques officielles du Canton de Genève, près d’un tiers des déplacements constatés dans l’agglomération genevoise en véhicule motorisé s’effectuent sur des distances de moins de 3km, où tout autre mode de transport serait préférable, à tous points de vue, sauf exceptions. Et d’autres évaluations plus informelles indiquent que, pendant les vacances scolaires, on compte environ 7 à 10% de déplacements en moins, avec un effet significatif sur le trafic, ce qui montre qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour améliorer rapidement et durablement la situation, et créer les espaces nécessaires aux modes alternatifs. On constate que, si des alternatives crédibles comme la Voie verte sont proposées, les gens changent volontiers de mode de transport. La Loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, entrée en vigueur en juillet 2016, représente un réel progrès, mais insuffisant ; on continue en partie à faire croire aux Genevoises et Genevois que tous les modes de transports seront toujours possibles sans restrictions, par exemple de créer des pistes cyclables sans concessions du côté du trafic automobile.

    Par ailleurs, on constate aussi la diversification rapide des habitudes et moyens de transport, avec par exemple la multiplication des trottinettes électriques, ou des formes commercialisées d’auto-partage et d’usage non-propriétaire de véhicules (Uber, Catch-a-car, etc.)

    Ne pas confondre compromis et compromission

    Moi-même membre de la Délégation à l’aménagement du Conseil administratif, je peux témoigner à quel point chaque mesure concrète fait l’objet de batailles ardues, d’études interminables, de blocages, d’oppositions, d’arguties, sachant que la moindre mesure doit être validée par le Canton et peut faire l’objet d’oppositions, dont le traitement peut prendre des années. Et pour obtenir de temps à autre tout de même un progrès mesurable, il faut souvent faire des concessions fort regrettables, comme par exemple l’élargissement de la capacité du Quai Gustave Ador pour le trafic motorisé en échange de la piste cyclable bidirectionnelle qui vient d’être mise en service, en soi bienvenue. Ce n’est parfois plus du compromis, mais de la compromission. Et je le vis concrètement en tant qu’habitant des Eaux-Vives depuis bientôt 30 ans, où des mesures pertinentes sont empêchées depuis des lustres.

    Evolution vers la mobilité de demain !

    Aujourd’hui, il faut rapidement et massivement changer d’échelle dans l’action publique dans ce domaine. Les communes en général et donc aussi la Ville n’ayant pas le pouvoir décisionnel, elles doivent à la fois accélérer et intensifier le dépôt de propositions concrètes (pistes cyclables, chemins piétonniers, zones 30, zones de rencontre, zones piétonnes, etc.), accompagnées de projets pilote et de mesures incitatives. La mobilité douce et les transports collectifs doivent être réellement prioritaires en milieu urbain, et les voitures laisser leur place pour se limiter à des besoins réels. En plus il faut se préparer à l’évolution des formes de la mobilité, aussi bien sur le plan technologique que ceux des habitudes ou de l’organisation du monde du travail et des loisirs. Et là où les échelons supérieurs bloqueraient, notamment en raison de recours des lobbies pro-automobilistes, il ne faudra peut-être plus hésiter à porter les dossiers devant les tribunaux, dont la jurisprudence évolue (lentement) dans le bon sens. Les jeunes générations nous montrent la voie et les manifestations régulières autour de l’urgence climatique nous y encouragent fortement !

  • ONET : solution fragile mais nécessaire

    Le Conseil municipal a approuvé ce mercredi 17 avril  la proposition que j’ai faite au nom du Conseil administratif, afin de répondre à la précarité dans laquelle se trouvaient les employé-e-s de l’entreprise ONET, mandatée par la Ville pour assurer le nettoyage de toilettes publiques.

    Alerté mi-février par les syndicats, le Conseil administratif se trouvait face à une solution relativement insoluble : l’entreprise ONET, mandatée notamment pour le nettoyage des toilettes publiques, respectait les conventions collectives en vigueur dans le domaine sur le plan des salaires horaires, mais employait ses nettoyeurs et nettoyeuses à temps partiel, avec comme conséquence des salaires nets très bas qui les maintenaient dans la précarité.

    Des limites de la liberté économique

    A la question des salaires s’ajoutait un certain nombre d’autres reproches des grévistes à l’encontre de l’entreprise. Cette situation était particulièrement complexe car l’entreprise concrétise la prestation contractuelle de manière adéquate et paie les salaires requis par la Convention collective de travail de la branche. Malheureusement, les règles d’attribution des marchés publics offrent très peu de marge de manœuvre par rapport au choix des entreprises, notamment pour favoriser des salaires plus adaptés à la pénibilité de la tâche et à la réalité des coûts de la vie à Genève.

    Ma collègue Sandrine Salerno avait d’ailleurs mené une bataille épique il y a quelques années pour obtenir des salaires minimaux dans la branche, au moins pour les entreprises mandatées par la Ville. Mais cette position politiquement courageuse et éthiquement totalement justifiée a été malheureusement annulée par le Tribunal fédéral au nom de la liberté économique.

    Rétablir le dialogue et proposer une solution concrète

    Face à ce conflit social douloureux, j’ai donc entrepris au nom du Conseil administratif des démarches afin de rétablir dans un premier temps le dialogue entre les parties, ce qui a permis d’initier une négociation et poser les bases d’un accord.

    J’ai proposé au Conseil municipal le vote d’un budget complémentaire destiné à augmenter le temps travaillé, afin d’étoffer la prestation par le biais d’un complément au contrat en vigueur. Cette proposition a facilité la conclusion d’un accord de sortie de crise entre les grévistes et l’entreprise. Ce crédit a été accepté à une large majorité du parlement municipal, que je remercie. Cette solution, mise sur pied rapidement, a ainsi permis de mettre fin à un conflit social et de contribuer à améliorer très concrètement la situation de salariés précaires.

    Lutter pour de meilleures conditions pour tous les travailleurs et travailleuses

    Mais c’est évident que ce n’est pas une solution idéale. Malgré les fortes contraintes déjà citées dans le domaine des marchés publics, nous devons plus que jamais évaluer nos possibilités d’influencer la situation sur le marché du travail, notamment dans des domaines notoirement précaires comme le nettoyage. La Ville s’est montrée à plusieurs reprises pionnière dans ce domaine, par exemple en matière de surveillance des chantiers de construction ou d’autres prestations accomplies par des entreprises privées pour éviter le dumping salarial, le travail au noir ou d’autres abus. La Ville a mis en place un fonds solidaire avec les partenaires sociaux afin de lutter contre la sous-traitance abusive et d’autres abus. Quant au débat sur  l’internalisation, il est important et doit avoir lieu. Mais ce n’est pas non plus une panacée. Il ne fait aucun sens de vouloir internaliser systématiquement dans la fonction publique toute personne employée par un tiers et qui serait mal payée, jusqu’à où aller dans ce cas ? Ceci n’apporterait rien aux autres travailleuses et travailleurs du secteur privé qui seraient en situation difficile, et leur nombre est malheureusement élevé.  Mon engagement politique n’est pas seulement de préserver un service public fort et doté d’un statut digne de ce nom, mais aussi d’améliorer les conditions de travail pour tou-te-s les salarié-e-s et donc en particulier aussi pour ceux des secteurs privés.

    Un travail certainement moins aisé et moins fructueux politiquement, mais qui doit continuer à être mené, aux côtés de partenaires syndicaux et associatifs, au niveau local comme international, afin de s’opposer au dumping salarial, à l’exploitation parfois éhontée de main-d’œuvre fragilisée par la concurrence sur le marché de l’emploi et aux tentatives de mettre en place des accords internationaux comme TISA qui consacrent la primauté des multinationales sur le service public.

     

     

  • Révolution numérique? Pas sans les enfants et les jeunes!

    Le nouveau rapport « Grandir à l’ère du numérique » de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEJ), publié cette semaine, se focalise sur les compétences dont les enfants et les jeunes ont besoin pour grandir, se former, travailler et participer à un monde numérisé.

    Le rapport s’articule autour de trois messages centraux. Le premier consiste à rappeler que nous avons à avancer ensemble avec les enfants et les jeunes, mais en aucun cas à leur place. Le second affirme, alors que valoriser l’apprentissage du code et autres, que les compétences sociales, personnelles et créatives sont aussi importantes que les compétences techniques. Voir plus. Le troisième instaure un objectif clair pour la numérisation. Celle-ci doit favoriser l’égalité des chances et ne pas renforcer les fractures et les frontières socioéconomiques, de genre ou socioculturelles.

    Aborder le débat de la numérisation avec les jeunes et les enfants

    Que doit-on apprendre pour avoir toutes ses chances dans le monde du travail de demain ? Quel métier choisir ? Quel est le rôle de l’école et le potentiel des activités extrascolaires ? Comment bien gérer la connexion permanente ? Pour répondre à ces questions, le rapport « Grandir à l’ère du numérique » réunit des analyses d’expert-e-s du monde économique, de la formation, de l’encouragement précoce et des activités extrascolaires. Il présente aussi différents projets du terrain qui donnent la parole aux enfants et aux jeunes et qui montrent comment aborder les défis de la numérisation avec eux. Car le débat sur la numérisation ne peut pas se faire sans eux. Les enfants et les jeunes doivent avoir leur mot à dire et contribuer à façonner le monde numérique

    Des outils pour que la numérisation soit favorable à la nouvelle génération

    Les enfants et les jeunes doivent disposer des outils et des connaissances pour appréhender la numérisation. Cela va du débat sur les smartphones à l’école à la stratégie « Suisse numérique » en passant par les règles relatives au temps consacré aux écrans à la maison et à la prévention de l’addiction ou du cyber-harcèlement. Avec ses recommandations, la CFEJ s’engage ainsi pour que la numérisation soit favorable aux enfants et aux jeunes.

    Valoriser la résolution de problèmes, l’empathie et la créativité

    Une analyse inédite des compétences recherchées par le monde du travail met en relief l’importance de la capacité à résoudre des problèmes et à communiquer, de la créativité ou encore de l’empathie. Pour acquérir ces aptitudes, l’école joue un rôle important, mais ne peut pas tout. Il convient d’exploiter le potentiel des activités extrascolaires et de l’encouragement précoce. Les recommandations de la CFEJ donnent des pistes pour mieux tenir compte de leurs besoins et perspectives.

    Sur mandat de la CFEJ, Sarah Genner, chercheuse en psychologie des médias et experte en numérisation du monde du travail, a analysé et pondéré 26 modèles et listes des compétences ou forces de caractère recherchées au 21e siècle. Les résultats sont présentés dans un modèle qui visualise les compétences les plus fréquemment citées : la communication, la créativité, l’autogestion, la capacité à résoudre des problèmes, l’empathie ou encore la pensée analytique y figurent en bonne place. Et un tableau offre une vue d’ensemble systématisée des compétences et valeurs recherchées. Sarah Genner constate que « Les travailleurs devront pouvoir faire ce dont les machines sont incapables, donc ce qui ne peut pas être numérisé: tout ce qui touche à la créativité, à la résolution de problèmes et aux compétences sociales ».

    L’école joue un rôle de premier ordre, mais les activités extrascolaires doivent être mieux reconnues

    La place plus importante accordée aux technologies de l’information et de la communication dans les plans d’étude est à saluer, mais l’école est face à l’enjeu d’instaurer une culture du numérique permettant d’utiliser les outils numériques de manière transversale. Ceci implique la formation et le perfectionnement du corps enseignant tout comme une infrastructure moderne préservant la santé et garantissant la protection des données.

    Caractérisées par la libre adhésion et la participation, les activités de jeunesse extrascolaires (animation socioculturelle, associations, espaces de quartier,  etc.) offrent un cadre propice au développement de compétences sociales, personnelles et médiatiques. Il est temps de reconnaître et de mieux exploiter ce potentiel en favorisant la formation et en octroyant les ressources nécessaires.

    Conclure en accordant une réelle place aux enfants et aux jeunes.

    Pour conclure, on peut se rendre compte lors des contacts avec les enfants et les jeunes qu’ils sont très conscients à la fois des opportunités et des défis du monde numérique, et qu’ils souhaitent être pleinement intégrés dans les débats et les décisions à ce sujet.

    Aujourd’hui, le débat sur le numérique au sein des instances fédérales se focalise principalement sur les aspects technologiques et économiques, et marginalement sur les aspects liés à la formation ou aux enjeux de société (éthique, transparence, démocratisation du numérique, etc.). Les aspects spécifiques pour les enfants et les jeunes sont très peu présents, voire pas du tout. Aussi bien sous l’angle de leur épanouissement que de leur place future dans la société, accorder une réelle priorité aux enfants et aux jeunes ne peut pas se résumer à en rester à un vœu pieux, c’est totalement légitime et donc incontournable.

    > télécharger le rapport “Grandir à l’ère du numérique” en PDF

    > télécharger les thèses de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse concernant l’impact de la numérisation sur les enfants et les jeunes

  • Du droit au changement de vie (professionnelle)

    Il y a un peu plus d’une année, j’initiais au sein du Parti socialiste genevois un groupe de travail ouvert et foisonnant d’idées, pour réfléchir aux enjeux que pose la numérisation sur l’emploi, et notamment l’enjeu de la reconversion (souhaitée ou contrainte) des personnes dont l’emploi, voire le métier, ne correspondent plus à la réalité du marché du travail et/ou à leurs aspirations personnelles.

    Nourri de discussions passionnées, ce groupe – que ce blog me donne l’occasion de remercier chaleureusement–, a ainsi exploré plusieurs pistes en parallèle pour trouver des réponses adéquates face à ce défi urgent. Ce dernier ne subit pas seulement les effets de plus en plus massifs et rapides de la numérisation, mais plus largement de la globalisation et de la précarisation des conditions de travail (« uberisation »), de la financiarisation de larges pans de l’économie, et de l’instabilité croissante des grandes structures économiques.

    Près de la moitié des emplois actuels menacés

    En ce qui concerne la numérisation, certaines études prévoient la disparition de près de la moitié des emplois actuels en raison de la transformation des métiers et des processus de production et de diffusion. Si ces enjeux ne peuvent être entièrement maîtrisés sur le plan local, il est toutefois essentiel et urgent d’agir sur les leviers dont nous disposons et de faire évoluer le débat. D’une grande initiative programmatique qui aurait eu l’ambition de repenser entièrement le dispositif actuel encadrant l’emploi et la formation, à des projets très ciblés pour les personnes sans formation initiale, en passant par un compte « épargne-formation » à vie ou un contrat garanti de formation.

    Accompagner la diversité des trajectoires de vie

    La démarche s’est concentrée dans un premier temps sur la reconversion professionnelle et a abouti très concrètement au dépôt de trois projets de loi, dont un en particulier est issu du groupe. Il vise à modifier de manière pragmatique le dispositif existant des bourses et prêts d’étude (« Loi sur les Prêts et Bourses d’études » – LBPE), afin de pouvoir obtenir des effets utiles et concrets à brève échéance, s’il était adopté. Celui-ci fonctionne en effet de manière éprouvée depuis de nombreuses années, pour les trajectoires de vie « standards », durant lesquelles on entreprenait des études au début de sa vie adulte pour ensuite commencer un métier et s’y développer jusqu’à la retraite.

    Pourtant, comme le souligne d’ailleurs la Cour des comptes qui a audité le dispositif, les trajectoires de vie sont de moins en moins « standard ». Les aléas divers, familiaux, professionnels ou personnels divers rendent ces trajectoires rectilignes de moins en moins habituelles. Et au-delà, les enjeux de la 4ème Révolution industrielle – numérique -, nous obligent à repenser la formation initiale, la formation continue et la reconversion professionnelle.

    Offrir la possibilité de changer de voie professionnelle

    On doit bien sûr penser à la manière dont sont imposés les profits, et je pense en particulier à la taxe sur les robots évoquée notamment par M. Xavier Oberson, mais aussi le projet de loi socialiste qui visait à taxer spécifiquement les caisses automatiques remplaçant l’humain dans nos supermarchés. Mais on doit aussi et peut-être surtout, donner la possibilité à chacun et chacune de se (re)former professionnellement. La possibilité de changer de voie et de s’épanouir dans une nouvelle profession.

    Le premier projet de loi déposé va dans ce sens et modifie de manière ciblée la LBPE pour l’ouvrir aux personnes de plus de 30 ans, dans les cas justifiés par la conjoncture professionnelle en particulier. Il est pour moi important de pouvoir ainsi se former, entreprendre de nouvelles études, sans attendre d’être au chômage, et ainsi devancer les aléas de la vie.

    Continuer une réflexion large sur l’emploi et la formation

    Ce projet est accompagné de deux autres qui entendent instaurer une allocation cantonale de formation, destinée cette fois aux personnes au chômage. Car là aussi, l’obligation d’être « employable » en tout temps pose de sérieux problèmes à celles et ceux qui n’ont pas les compétences requises, par exemple.

    Au-delà des trois projets de loi déposés et renvoyés jeudi en commission du Grand conseil pour traitement, j’aimerais que le groupe à la base de ceux-ci puisse continuer à vivre sa vie, faire d’autres propositions, s’assurer qu’elles ne s’enlisent pas au fin fond d’une commission, mais se matérialisent en actes concrets, pour la population genevoise !

Sami Kanaan est Maire de Genève 2014-2015, 2018-2019 et 2020-2021, Conseiller administratif en charge du Département de la culture et du sport, puis de la culture et du numérique, Président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, Vice-président de l’Union des villes suisses et Président de l’Union des villes genevoises.

suite…

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