Genève ville créative

Le blog de Sami Kanaan

  • Les communes genevoises, de la naphtaline ?

    Il y a un peu plus de 200 ans, Genève faisait le choix d’adhérer à la Confédération helvétique sur la base de frontières restreintes volontairement, nous coupant du bassin naturel qui a toujours été celui de Genève, pour des raisons liées aux identités religieuses, politiques et sociales de l’époque. Un mariage de raison bien plus que d’amour car la Suisse offrait l’avantage de laisser beaucoup d’autonomie à ses « membres », les cantons. Cette construction mal fichue a laissé des traces durables dans la vie politique, économique et sociale de cet espace genevois trop contraint et institutionnellement encombré.

     

    Canton jacobin, frileux et incapable de se réinventer

    Deux siècles plus tard, Genève n’a pas encore trouvé la bonne formule institutionnelle pour gérer son territoire. Genève est le canton de Suisse qui accorde notoirement le moins d’autonomie à ses communes, petites ou grandes. Dans la part des dépenses publiques qu’elles gèrent, le rapport est de 18 francs gérés par l’ensemble des communes genevoises et de 82 francs gérés par le canton – alors qu’en comparaison à Zurich, le rapport est de 50/50, et sur Vaud, de 40/60!

    En fait, rien n’empêche le Conseil d’Etat de proposer la diminution du nombre de communes, voire leur suppression, plutôt que de chercher en permanence à leur transmettre des charges sans compétences. Et ainsi le débat aurait eu lieu, de manière démocratique. Le Canton trouve de fait des alliés parmi les petites communes, qu’un très hypothétique transfert de compétences angoisse, au vu de leurs ressources limitées et leur manque de moyens opérationnels. Dès lors, force est constater le manque de courage et de créativité politique à Genève, et donc l’incapacité de proposer une vision cohérente et équilibrée pour l’organisation institutionnelle genevoise.

    Le 23 septembre 2016, le Grand Conseil adoptait la Loi sur les fusions de communes (LFusC), mais dans l’indifférence la plus générale. En effet, les mesures « incitatives » sont ridicules : elles prévoient la gratuité de la procédure, un soutien juridique et administratif du Département cantonal de tutelle, une subvention unique du Canton à la commune fusionnée d’un maximum de 2 millions de francs et à certaines conditions, notamment que la nouvelle commune ne dépasse pas 15’000 habitant.e.s, ainsi que la possibilité d’une participation du Fonds intercommunal au financement des investissements de la nouvelle commune pendant 5 ans. Qu’aucun projet de fusion n’ait été présenté depuis l’entrée en vigueur de cette loi semble donc évident… Et la clause limitative à 15’000 habitant.e.s incarne de manière risible la peur panique du Canton face à la création d’entités ayant une masse critique. C’est pourtant bien à partir de 15’000 personnes qu’une collectivité commence à pouvoir assumer de manière intéressante de nouvelles tâches publiques.

    Oser redonner du pouvoir démocratique et des ressources décentralisées
    La deuxième remarque, c’est que, oui, les 45 communes genevoises risquent de se muer lentement mais sûrement en coquilles vides, d’un point de vue de leurs compétences décisionnelles, respectivement en simples agents d’exécution des tâches décidées par le Canton ou la Confédération. En gros, on a de plus en plus de boulot, de charges, de responsabilités mais un cadre de plus en plus contraignant pour exécuter le travail, son prend l’addition de normes qui nous enferment dans un carcan.

    Doit-on considérer cet état de fait comme normal, au vu de la petitesse du territoire et donc de la nécessité d’assurer des politiques publiques cohérentes et homogènes pour tous et toutes ? Mais bénéficions-nous réellement de cette cohérence et de cette homogénéité?

    Dans la pratique, si la plupart des grands domaines de l’action publique sont pilotés par le canton, les ressources, elles, sont particulièrement mal réparties. Certaines communes sont très riches, avec un impôt communal particulièrement bas, alors que d’autres communes, petites ou grandes d’ailleurs, certaines urbaines, d’autres rurales, sont nettement moins favorisées et n’arrivent pas toujours à assumer pleinement leurs obligations, parfois tout en palliant aux manquements du Canton dans certains domaines. De plus, les communes riches ne sont de loin pas celles qui contribuent le plus à l’effort collectif sous forme d’équipements publics, de prestations proposées à toute la population, aux projets communs (crèches, équipement sportifs, culture de proximité, etc.). Le Canton lui-même voit s’échapper l’accès à des ressources importantes. De plus, de nombreux contribuables souvent aisés habitent sur le Canton de Vaud tout en travaillant sur Genève, et ne contribuent en rien aux charges des prestations (transports, voirie, sécurité, espaces publics, etc.), dont ils et elles bénéficient. L’actuel système de péréquation, s’il a le mérite d’exister, avec une amélioration récente et bienvenue, ne compense que très partiellement ces déséquilibres, qui ont des effets pervers. De même, les nombreux Fonds intercommunaux (FI, FIA, FIE, FIDU, etc.) représentent des outils partiels bienvenus de rééquilibrage mais remettent en question la légitimité démocratique et la lisibilité de l’action publique, notamment vis-à-vis des Conseils municipaux.

     

    Disparités et déficit démocratique

    Et s’il fallait encore une incohérence, probablement la plus grande : Comment prendre en compte les enjeux spécifiques des villes? 80% de la population genevoise se concentre dans les 11 villes reconnues du Canton, soit ¼ des 45 communes genevoises. Or il va sans dire qu’elles font face à des enjeux sociaux, économiques, liés à la mobilité, à la sécurité ou même à la vie culturelle et sportive bien différents des communes de villas ou rurales! D’où la création de l’Union des Villes genevoises en 2015, tout de suite honnie par le PLR et le PDC cantonaux, ce qui montre leur déni du phénomène urbain. On constate aujourd’hui un déséquilibre criant en matière de fiscalité, de structure de la population, de répartition de logements et d’emplois, de réalisation de prestations et de responsabilités. A titre d’exemple, selon l’Union des villes suisses (UVS – organisation officielle en la matière et pas franchement de gauche), les communes urbaines dépensent 57% de plus en matière de sécurité sociale, ou encore 2.65 fois plus par habitant.e pour la sécurité publique. Or, la politique cantonale genevoise reste lourdement dominée par des alliances d’intérêts particuliers, contraires aux intérêts de la majorité de la population vivant en milieu urbain. On peut sérieusement se poser la question de la pertinence démocratique d’avoir 45 communes sur un territoire de 282 km² ; entités qui ont toutes le même poids décisionnel au sein de l’Association des communes genevoises (ACG), alors que 17 de ces communes ont moins de 2000 habitant-e-s, soit moins d’1% de la population résidante en Ville de Genève.

    En clair, sur ce petit territoire, il existe de trop fortes disparités qui génèrent une forte inégalité face à l’action publique, et prétéritent la capacité de Genève à construire un avenir équilibré, durable et harmonieux, en tenant compte aussi des enjeux de notre région plus large. Il en va de la cohésion et de l’avenir de notre région, afin de proposer à nos habitantes et habitants une capacité d’assurer leur bien-être et leur qualité de vie de manière équitable et durable, dans un système lisible et compréhensible. Ces défis n’ont pris que plus d’importance avec la crise du Covid qui, au-delà de sa composante sanitaire, va nous placer devant des conséquences lourdes à plus long terme, qui s’ajoutent aux enjeux climatiques et sociaux.

     

    Dès lors, quelles réponses possibles?

    La première, radicale, serait de supprimer toutes les communes et d’arrêter de faire vivoter ces coquilles vides dépourvues de réelle autonomie, puisque Genève semble tellement attachée à cette tradition « jacobine » très centralisatrice! Mais bon gré mal gré la commune constitue l’élément de base de la construction helvétique et son échelon le plus légitime. La deuxième serait de créer deux demi-cantons, comme l’ont fait les deux Bâle en 1833. Mais notre canton est trop petit pour pouvoir créer deux demi-cantons et trop grand pour ne devenir qu’un canton-ville, comme l’est Bâle-Ville avec ses 3 communes. Fusionner les communes de manière responsable et organiser la fiscalité de manière équitable!

    Dès lors, pourquoi ne pas imaginer sérieusement un processus ambitieux et offensif de fusions pour parvenir à des communes ayant une masse critique et une représentativité suffisante pour agir ? Le Canton de Glaris a fusionné ses 25 communes en 3 grandes communes, réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2011, dont le caractère radical est d’autant plus marquant qu’elle a été adoptée en Landsgemeinde. Nous pourrions aussi avoir un nombre réduit de communes, dès lors nettement plus grandes, dont un centre urbain élargi, poursuivant ainsi la logique de fusion effectuée dans les années 30. On pourrait imaginer viser des communes d’au moins 15 à 20’000 habitant.e.s, sans diminuer la taille des villes existantes (Vernier compte par exemple plus de 35’000 habitant.e.s, Lancy près de 34’000) ce qui nous amène à environ 10 à 15 communes en tout.

    Aujourd’hui, le réel enjeu auquel doit faire face Genève sur le plan territorial et qui est de la responsabilité du Canton, avec ses partenaires, est celui d’un développement plus harmonieux de l’espace régional (projet d’agglomération transfrontalier du Grand Genève). Il s’agit de parvenir à maintenir un lien fort existant au niveau communal et une qualité de vie attendue par les habitant.e.s tout en organisant le nécessaire développement à l’échelle d’un territoire bien plus vaste. Ce territoire nécessite des efforts massifs et urgents pour résoudre les nombreux déséquilibres qui le caractérisent. Un enjeu tout aussi vital réside au niveau de l’espace lémanique, qui est de plus en plus en connecté sur les plans économiques, urbanistique, culturel, scientifique, etc., ce qui rend aussi indispensable une négociation entre Genève et Vaud sur la question des ressources fiscales et le co-financement des infrastructures.

     

    Soyons donc responsables et innovants, et relançons le débat!

    Ce débat est nécessairement corrélé à celui de la fiscalité communale et de la péréquation, aujourd’hui insuffisante, ainsi qu’à celui de la prise en compte adéquate des charges de villes-centre, bénéficiant à un bassin de population plus large que le leur. Mais aussi à la capacité à répondre aux besoins de proximité par les communes, plus flexibles et agiles que le Canto, à condition d’alléger un cadre légal et réglementaire sclérosant.

    Au final, l’objectif global doit être de réconcilier les échelles à la fois socioéconomiques et territoriales des réformes au-delà des réformettes tentées ci et là qui ne représentent qu’un emplâtre sur une jambe de bois, ou servent de prétexte à des règlements de comptes idéologiques contre le monde urbain en général et la Ville de Genève en particulier, cachant une impuissance à aborder réellement les défis d’aujourd’hui. Ces propositions de réformes pourraient très bien provenir des villes genevoises qui devront s’unir pour sortir de cette logique inégalitaire et pour développer leurs propres mécanismes de coopération avec d’autres communes urbaines dans les territoires qui entourent Genève en faisant converger leurs positions et leurs stratégies au bénéfice de la plus grande partie de la population résidente de cette région.

  • e-ID : ne bradons pas nos données

    Ce second billet de blog (après celui-ci), aborde la question de la protection des données, mais aussi l’utilisation de celles-ci et la question du modèle d’affaire d’un passeport numérique qui serait privatisé.

    Sur la question de la protection des données personnelles, il faut tout d’abord se rendre compte qu’en réalité, une e-ID n’est absolument pas nécessaire par exemple pour du commerce en ligne. Dans ces cas, aucune pièce de légitimation n’est requise. Notre passeport numérique devra aussi être utilisable en ligne sur des sites privés (de la même manière qu’on montre actuellement notre passeport physique pour certains services), mais ce n’est pas vraiment le sujet. Nous votons sur une loi qui tente de créer un login universel qui pourrait être utilisé sur le plus de sites web possible. Alléchant. Et là encore on retrouve l’identification par Facebook ou Google sur des sites tiers de e-commerce par exemple. Mais complètement irréaliste.

    Et puis si on compare aux GAFAM susmentionnés, on se retrouve à interroger le modèle d’affaire des futurs fournisseurs. Bien sûr, nos données privées seront en principe non transmises (en principe…). Mais dès lors, comment vont se financer les prestataires d’identité ? Ce ne sont pas des mécènes ; ils veulent gagner de l’argent s’ils assurent une prestation. On peut imaginer que ce soit les citoyen.ne.s qui paient directement. Ça pose évidemment la question d’une identité qui serait à deux vitesses, voire trois, puisque 3 niveaux de sécurité sont prévus par la future loi (avec des tarifs en conséquence). Vous avez les moyens de vous payer le passeport le plus moderne et efficace, doté d’un niveau maximal de sécurité ? Bien. Sinon rabattez-vous sur celui qui est doté d’une sécurité au rabais. Imaginerait-on avoir des passeports papiers « premium » vendus plus chers par des entreprises, et qui vous ouvriraient les portes de prestations supplémentaires ? Inadmissible.

    Sinon, le financement peut provenir de la Confédération. Mais on serait dans ce cas dans le même système qu’un appel d’offre standard. Pourquoi dès lors se délester de la capacité à gérer directement, avec l’entreprise mandatée ? Nous le faisons actuellement avec les entreprises qui produisent le plastique de nos cartes d’identité (non, ce n’est pas la Confédération) ou celles qui fournissent les serveurs hébergeant nos données (en mains des autorités publiques). Et puis, ne figure aucun élément d’appréciation : combien cela coûtera-t-il ?

    Parce que le modèle d’affaire n’est peut-être pas celui-là. « C’est gratuit ? C’est vous le produit ». Eh oui. Si les futurs fournisseurs d’identité ne sauront pas grand-chose sur vos données intimes, elles pourront néanmoins bénéficier d’un contact, d’une traçabilité de vos transactions, etc… Des données qui ne pourront pas être gardées très longtemps, mais qui seront néanmoins dûment monétisées. Souhaitons-nous vraiment que des entreprises (assurances par exemple, déjà nombreuses à soutenir la loi sur l’e-ID), fassent du « data broking » avec nos demandes de prestations sociales ou nos offres d’emploi? Sans parler qu’à terme, ce passeport électronique pourrait nous permettre de voter et qu’une de ces entreprises peut tout aussi bien être une filiale d’une multinationale sise dans une dictature. Selon la loi toutefois, les fournisseurs ne sont pas autorisés à exploiter commercialement «les données générées par une application de l’e-ID ni les profils d’utilisation basés sur celle-ci». Pourtant, les données sont conservées pendant six mois. Le principe de l’économie des données voudrait pourtant qu’elles soient supprimées immédiatement. Mais surtout, une solution vraiment intelligente s’inscrirait dans le principe du «Privacy by Design», soit choisir une architecture de système dans laquelle ces données n’accèdent pas à un endroit central. Car une personne qui s’enregistre sur une plate-forme est ensuite traçable en continu, sans difficulté. On peut aisément constituer sur cette base le profil de votre personnalité (technique du « profilage »), de manière à vous proposer des services « adaptés » ou vendre ces informations à d’autres. On dit souvent que les données c’est l’or du 21ème siècle ! La majorité des personnes ne se rendent pas compte qu’à chaque click sur le net on laisse une trace, qui peut être stockée, regroupée avec les autres traces laissées précédemment, analysée, revendue … à votre insu ! Qui lit réellement les « Conditions générales » d’un site avant de cliquer sur « accepter » ? Par exemple à chaque mise à jour du logiciel de votre smartphone ? Ou de chaque application fort utile ou sympathique que vous téléchargez ? Ou de chaque site de e-commerce fort bien construit ? Ce ne sont donc pas forcément vos données personnelles qui sont monnayées, mais bien vos affinités, vos comportements sur le net, vos habitudes, vos relations et donc… votre identité !

     

  • e-ID : quels enjeux ?

    Nous voterons le 7 mars sur le projet de loi fédérale sur l’identité numérique. Une loi pour laquelle le Conseil fédéral a opéré un choix radical en donnant la possibilité à des entreprises privées de délivrer des passeports suisses numériques (e-ID). En 2020, formellement, j’ai repris la responsabilité des services informatiques de la Ville de Genève et fait figurer la transition numérique dans le nom du département. Par ceci, j’ai surtout voulu signifier l’importance du portage politique d’une démarche que j’avais déjà entreprises depuis plusieurs années, à savoir la volonté d’une transition numérique responsable, audacieuse et créative pour le secteur public. C’est dans l’esprit de cette transition que j’aimerais développer quelques courts billets de blog autour des enjeux de cette identité numérique.

    1er constat, partagé d’ailleurs par un journaliste du Temps du 1er février : parmi les enjeux des votations du 7 mars, celui de ce futur passeport numérique manque singulièrement de débat politique. Pourtant, les enjeux nous concernent toutes et tous. Ils déploieront aussi des conséquences sur un temps très long.

    Pourquoi cette absence (relative) de débat ? C’est le chapitre que je souhaite aborder avec ce texte. Les autres suivront successivement jusqu’au 7 mars.

    En échangeant autour de moi et avec les services municipaux de la Ville de Genève, je constate qu’il y a certainement une mécompréhension. Nous avons en effet déjà plusieurs solutions d’identification (plus ou moins performantes, d’ailleurs) qui permettent par exemple d’accéder à des services publics (inscrire son enfant au parascolaire, réserver un terrain de sport ou un livre dans une bibliothèque) ou privés (on pense bien sûr à tout le domaine du e-commerce, mais aussi aux identifications bancaires plus sécurisées par exemple). Ces identifications gagneraient assurément – pour les collectivités publiques genevoises – à pouvoir être harmonisées. Qu’on puisse accéder avec un même identifiant aux différents services de l’Etat par exemple.

    A contrario, pour le secteur privé, nous avons déjà des « providers d’identité ». Vous pouvez utiliser votre compte Google ou Facebook, pour accéder à d’autres services, des achats en magasin par exemple, sans avoir à s’inscrire avec un identifiant spécifique. C’est ce modèle qu’a choisi le Conseil fédéral en déléguant cette tâche à des entreprises privées. On y voit naturellement un gage de flexibilité et une économie de moyens. On peut considérer que c’est un choix naturel et pratique, puisque nous utilisons déjà au quotidien de multiples identifiants.

    En réalité, cela procède d’une très mauvaise compréhension de ce qu’on entend par « passeport numérique ». Celui-ci n’est pas simplement un identifiant nous permettant de réserver un court de badminton (pour cela un login avec un courriel et un code suffisent), ni même ce qui nous permet de nous connecter pour des transactions de e-banking. Il s’agit véritablement de ce qui constituera notre identité officielle numérique. Un équivalent de notre passeport ou notre carte d’identité.

    Dans le futur, nous pourrons signer des initiatives, voter et nous porter candidat.e.s à une élection via ce sésame numérique. Elle nous servira à nous identifier comme légitime bénéficiaire de prestations sociales par exemple. Nous devrons peut-être l’employer pour passer une frontière (geste dont on prend conscience depuis quelques mois qu’il n’est pas forcément anodin). On ne peut donc pas la comparer à un simple login, mais devons la mettre en regard de notre actuel passeport. Un document délivré de manière exclusive par l’Etat, en lien avec les cantons et les communes.

    Je reviendrai ultérieurement sur les questions de protection des données et de business-model, mais souhaitais commencer cette série de blogs par ce rappel du sujet même de la votation du 7 mars. En tout état de cause, ceci montre en tout cas qu’un débat élargi et approfondi est nécessaire sur la meilleure manière d’appréhender notre avenir numérique, individuel et collectif.

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    commentaire supplémentaire ajouté le 4.2.21:
    Je me réjouis de constater les nombreux commentaires suscités par ce billet de blog, qui prouvent qu’un réel débat sur ce projet de loi et plus globalement sur ces enjeux numériques est nécessaires. Quelques précisions: je suis personnellement opposé à ce projet de loi et ma volonté avec ce billet était justement de mettre en évidence la différence fondamentale qui existe entre ce qui constituera notre identité citoyenne officielle, et de simples login d’accès à des services privés.
    Je poursuivrai avec d’autres dimensions problématiques de cette loi, dont les aspects relatifs aux données, au modèle d’affaire ou aux tâches qui devraient rester propres aux collectivités publiques.

    (source: https://www.eid-referendum.ch)

  • Discours du 1er août 2020

    Discours du Maire, prononcé à l’occasion de la fête nationale organisée par la Ville de Genève – seul le prononcé fait foi

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    Madame la présidente du Conseil municipal (Albane Schlechten)

    Monsieur le Conseiller administratif , cher collègue, cher Alfonso,

    Madame la vice-présidente de la section genevoise de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (Patricia Borrero)

    Mesdames et Messieurs les élu-e-s et représentant-e-s des autorités fédérales, cantonales et municipales vivant en Ville de Genève

    Chères habitantes et chers habitants de notre belle villede Genève

    Bienvenue à toutes et tous !

    [En dialecte alémanique]: à tous nos amis originaires de Suisse alémanique, j’adresse mes chaleureuses salutations et vous remercie de votre présence. Comme vous l’entendez, j’ai quelques origines alémaniques et c’est d’autant plus un plaisir de célébrer notre fête nationale avec vous. Mes origines multiples – alémaniques, extra-européennes et surtout romandes ! – sont un bon exemple de la belle diversité qui caractérise notre pays et notre ville.

    Cari amici ticinesi, siamo molto lieti di celebrare con voila nostra festa nazionale. Condividiamo elementi relativialla nostra cultura latina, che si esprime co bene neimomenti conviviali.

    Ladies and gentleman, I would like also to express my warmest welcome wishes to our international guests, reminding that Geneva is proud of being a very diverse and international city, and also aware of the responsibilities it gives to us. I wish you to spend a nice Swiss National Day!

     

    Je suis particulièrement heureux que nous puissions être réunis aujourd’hui pour commémorer ensemble la Fête nationale suisse, ici au cœur du Jardin botanique dont je salue le directeur Pierre-André Loizeau et ses équipes. Une Fête nationale dont on se souviendra à coup sûr comme celle de la lutte contre le coronavirus.

    Je tenais à ce que nous puissions malgré tout honorernotre tradition et rappeler ce qui nous unit, habitantes et habitants de toute la Suisse.

    Le 1er Août est un moment hautement symbolique. Une occasion de nous rappeler ce qui nous unit, la solidarité qui nous anime, l’entraide qui nous cimente. Ces valeurs qui sont cardinales dans notre société et que nous devons, plus que jamais, mettre en exergue dans la situation présente et, surtout, concrétiser sur le terrain, pour toutes et tous.

    C’est pour cette raison que j’ai proposé, cette année, à l’Association suisse des infirmières et infirmiers d’intervenir comme invitée d’honneur de la Ville de Genève, et je remercie sa section genevoise, représentée par Mme Patricia Borrero, d’avoir donné suite à cette invitation. Je tenais à rendre hommage à une des professions dont les compétences ont été et sont toujours vitales pour lutter contre la pandémie qui nous est tombée dessus. Ce n’est pas la seule, bien sûr, mais le fait qu’elle soit principalement féminine et basée sur le soin et l’attention aux autres en font un symbole, un emblème. Je pense aussi aux vendeuses des magasins de première nécessité, aux aides à domicile, au personnel de nettoyage, et à de nombreuses autres.Mais les infirmières et les infirmiers ont été en première ligne pour soulager, soigner, apporter confort et réconfort. Je veux ici les en remercier très sincèrement, en mon nom et au nom des autorités de la Ville de Genève, et insister sur la nécessité de valoriser enfin cette profession.

    Cette Fête nationale ne ressemble à aucune autre, parce que nous avons dû intégrer strictement les consignes sanitaires afin de nous protéger toutes et tous. C’est donc une fête épivardée que nous allons vivre, au cœur des quartiers de la ville. Une fête pour prouver que l’espace public, quand nous nous l’approprions pour en faire un lieu convivial, est un espace où l’on peut se sentir bien les uns avec les autres, en sécurité. Un lieu où l’échange et le dialogue s’épanouissent.

    Les arts de la rue que nous avons conviés pour vous émerveiller, vous faire rire, réfléchir ou même peut-être pleurer d’émotion, incarnent cet esprit festif et rassembleur que nous espérons voir se répandre dans les parcs et sur les places aujourd’hui.

    Dans les années 80, nous avons subitement dû nous plier à l’impératif de l’amour safe, quand le sida s’est répandu et a frappé si injustement, si brutalement. Aujourd’hui, nous allons devoir inventer la fête safe.Toutes les questions qui se sont posées à l’époque, les angoisses et les discriminations contre lesquelles la société a dû mobiliser ses forces et ses ressources, sont de retour.

    Nous traversons une période instable, inconfortable, dangereuse même sous certains aspects. Les conséquences de cette pandémie ne sont pas seulement sanitaires, elles sont économiques, sociales, politiques, humaines, et elles vont durer. Aujourd’hui, c’est en veillant à rester solidaires les uns des autresque nous pourrons continuer notre route, construire notre avenir. C’est en appliquant ce qui fait la force de notre pays, notre capacité à travailler ensemble, notre recherche du compromis, notre ouverture et notre tradition d’accueil et d’attention aux plus faibles, quenous pourrons nous réinventer et faire face aux défis d’aujourd’hui et demain, la pandémie bien sûr, mais aussi l’urgence climatique ou la montée des inégalités.

    Je tiens à remercier les artistes qui jouent aujourd’hui, pour vous. Celles et ceux qui font vivre les arts et la culture ont été extrêmement fragilisés avec cette crise, étant le premier domaine qui a subi de fortes restrictions, et qui sera probablement le dernier à en sortir complètement. Ils ont clairement besoin d’un soutien fort et affirmé des collectivités publiques, afin de préserver ce savoir-faire. Je salue la force et la créativité qui leur permettent d’inventer des univers nouveaux, de nous montrer que le monde auquel nous aspirons est possible. Que ce quotidien qui change sans cesse peut être apprivoisé. Comme le disait Samuel Beckett, « il n’y a que l’éphémérité qui dure ».

    Je remercie également Stéphanie Gautier et Antoine Frammery qui ont relevé le défi de vous proposer, en un temps record, une programmation COVID compatible bien sûr, adaptée à tous les âges. Une programmation qui n’a rien de lisse ou de consensuelle, vous l’avez peut-être déjà expérimentée cet après-midi.

    Un grand merci encore à toutes celles et tous ceux qui ont pris part à l’organisation et enfin, bien sûr, à vous toutes et tous qui êtes là aujourd’hui.

    Je vous souhaite un très bon 1er Août !

    Vive Genève, vive la Suisse !

  • (re)tisser les fils de notre vivre-ensemble

    Le printemps aura été marqué par le confinement dû à la crise sanitaire. Avec l’été, les activités redémarrent progressivement, mais le domaine culturel reste durement touché. De nombreux festivals ont été annulés, de même que bien d’autres événements. Pour les artistes, mais aussi le personnel actif dans la technique ou toutes celles et tous ceux qui rendent possible la magie de la culture, l’avenir est pour le moins incertain et le présent toujours difficile.

    Divers soutiens exceptionnels ont été débloqués par les collectivités publiques, ainsi que la garantie de toutes les subventions publiques au domaine. Mais ça ne suffira pas. J’ai donc souhaité réaffecter une partie des budgets non-utilisés pour lancer un appel à projet, d’une part, et mandater l’équipe de la Fête de la musique, d’autre part, pour programmer 50 concerts qui ponctueront les soirées estivales du lundi au vendredi, dans différents lieux de la Ville. Des propositions que vous trouverez réunies dès le 1er juillet sur l’app et le site www.geneveenete.ch .

    Car au-delà des aides, les artistes ont besoin d’exercer leur profession. Et le public de se retrouver face à un concert, un spectacle ou une exposition. Pas via un écran, mais pour de vrai.

    Nous devons retisser les fils de notre vive-ensemble et cette offre estivale devrait y participer. Elle n’a pas la prétention de résoudre tous les problèmes. L’effort doit être collectif et se poursuivre, en témoigne l’action « Alerte rouge pour la culture » d’hier soir. Ces moyens mis pour la culture ne sont pas de la charité, mais un investissement pour le domaine culturel. Un investissement qui servira à préserver les compétences extraordinaires dont recèle notre région en la matière. Un investissement social, solidaire et responsable, pour notre qualité de vie et pour notre vivre-ensemble.

    Alerte Rouge - Grand théâtre de Genève

Sami Kanaan est Maire de Genève 2014-2015, 2018-2019 et 2020-2021, Conseiller administratif en charge du Département de la culture et du sport, puis de la culture et du numérique, Président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, Vice-président de l’Union des villes suisses et Président de l’Union des villes genevoises.

suite…

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