Genève ville créative

Le blog de Sami Kanaan

  • Monuments et héritages racistes dans l’espace public : comprendre notre passé et agir pour ne pas refaire les mêmes erreurs

    Début mai, j’ai présenté avec mon collègue Alfonso Gomez, en charge du service Agenda 21, un plan d’action portant sur les enjeux que posent les hommages rendus dans l’espace public à des personnalité ayant encouragé le racisme ou le colonialisme. Celui-ci vise deux objectifs : assurer que la mémoire de ces actes ne se perde pas et donner à comprendre le contexte de ceux-ci, mais aussi rectifier les hommages rendus dans l’espace public à des personnalités dont au moins une partie de l’action devrait tout autant être dénoncée.

    Cette démarche, je l’ai initiée dès mon année de mairie en 2020, avec l’étude « temps, espaces et histoires – Monuments et héritage raciste et colonial dans l’espace public genevois : état des lieux historique », confiée aux professeurs Mohamed Mahmoud Mohamedou et Davide Rodogno, de l’Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID). Celle-ci passe en revue 33 cas et proposait 10 pistes d’action, allant de ne rien faire (« inaction ») à supprimer le symbole, le nom de rue ou le monument (« destruction »). Sur ces 33 cas, tous sont nuancés, montrant par exemple certains apports bénéfiques, à l’image de Carl Vogt, grand réformateur et partisan de l’ouverture de l’Université aux femmes, mais également auteur de prises de positions racistes marquées.

    Il convenait donc de ne pas en rester là. L’intention politique est de mettre en place une action qui permette à chacun et chacune de prendre connaissance et conscience de ce passé, dans toute sa complexité, sans nier les prises de positions racistes ou les agissements en lien avec le commerce triangulaire, par exemple.

    On entend souvent, par exemple, que les prises de positions racistes, postulant la suprématie d’une soi-disant « race » sur une autre, étaient courantes à une certaine époque. Un argument qui ne tient pas et pour lequel on doit justement rappeler que déjà à l’époque (en particulier au 18ème et au 19ème siècles), des personnalités ont assumé et défendu avec autorité des positions anti-racistes.

    Dans le plan d’action récemment validé, le Conseil administratif a décidé de privilégier des actions de re-contextualisation. Cela ne signifie néanmoins nullement que les monuments et symboles problématiques resteront tels quels dans l’espace public. On peut en effet, en reprenant la terminologie de l’étude des Pr. Mohamedou & Rodogno, passer par un « vacillement » (le monument est descendu de son piédestal), le « voilage » temporaire ou pérenne, ou encore le « doublement » (dans lequel on accompagne le monument par un ou plusieurs monuments de nature opposée).

    J’aimerais insister sur cette dernière possibilité. C’est celle qui a été retenue par la Ville de Neuchâtel pour la statue de David de Pury avec, à côté de la statue officielle, une petite statuette à l’envers réalisée par un artiste. Cette opération a eu le grand mérite d’être une des premières du genre en Suisse et de jouer ainsi un rôle d’exemple. Le résultat ont reçu un accueil mitigé, peut-être parce que la démarche n’a pas été assez concertée avec les milieux concernés et que l’œuvre n’a pas du tout une ampleur similaire à l’original.

    Nous avons au sein du Département de la culture de la Ville de Genève une assez longue expérience de ces processus, par exemple avec le monument à la mémoire du génocide arménien. Cette approche me paraît particulièrement pertinente, car la démarche de concours artistique permet non seulement de faire connaître la problématique, mais aussi d’impliquer un regard d’artiste, qui sera forcément créatif et différent. Ceci facilite un accueil plus large, aussi auprès de gens qui ne s’y intéresseraient pas forcément. Une œuvre d’art est un excellent moyen pour mettre en place des actions pédagogiques et historiques, comme c’est le cas autour du génocide arménien, qui n’est toujours pas reconnu de manière universelle.

    Ainsi, l’action prévue pour la Ville Genève, loin de simplement ajouter un QR-code sur des statues, se veut donc bien plus ambitieuse. Elle doit avoir des vertus à la fois restaurative, de mémoire et pédagogique. Nous ne pourrons pas réparer la tragédie de l’esclavage, du racisme et du colonialisme, mais nous devons la comprendre et la faire comprendre, pour plus qu’elle ne puisse plus se répéter.

  • L’IA : un cambouis technique, humain et philosophique

    L’intelligence artificielle (IA, en anglais AI) – au-delà de son effet de « hype » – ne doit pas être comprise comme une mode passagère, un « trend » à investir, mais bien comme un enjeu de société à empoigner de manière multifactorielle et en préparant ses conséquences sur le temps long. Sans doute pas très politique, me direz-vous…

    Comme la technologie des chaines de blocs (plus connue par son appellation en anglais, « blockchain »), il y a quelques temps, il est aujourd’hui de bon ton pour les collectivités publiques (comme pour les entreprises privées) de se ménager des effets d’annonce plus ou moins tonitruants sur leur(s) nouveau(x) service(s) utilisant l’IA. Pourtant, l’enjeu est bel et bien un enjeu de société, que nous devrions considérer sur le temps long et dans ses enjeux à la fois techniques, mais aussi en matière de ressources humaines, de formation, d’éducation, d’écologie, d’éthique, etc.

    La Ville de Genève a fait le choix de se lancer dans la réflexion, mais sans précipitation. Nous avons organisé dès 2020 des formations et espaces de réflexion à destination des employées et employés municipaux, nos services informatiques testent les possibilités via des projets-pilotes, et nous avons mis sur pied un groupe de travail interdépartemental pour réfléchir de manière coordonnée aux implications métiers.

    Plus récemment, nous avons mis en place différents « disclaimer » à destination des employé-es de manière à leur rappeler les règles existantes en matière de traitement des données confidentielles qu’elles et ils sont amenés à traiter dans le cadre de leur fonction, avec notamment la règle d’or de ne JAMAIS entrer dans une application externe d’IA (comme ChatGPT ou COPILOT ou plein d’autres) des données confidentielles de l’administration, même si elles paraissent anodines, en accord avec la Politique des données de la Ville de Genève. Une telle saisie de données ne serait envisageable que dans une application avec laquelle des contrats très stricts en matière d’usage et de stockage des données auraient été conclus, par analogie à tout usage d’applications informatiques tierces utilisées par l’administration.

    Enfin, le Conseil administratif a récemment décidé, plutôt que de réinventer la roue, de faire siennes les excellentes lignes directrices édictées par la Confédération en matière d’utilisation de l’IA (placer l’humain au centre, assurer des conditions propices au développement et à l’utilisation de cette technologie, transparence, traçabilité et explicabilité, responsabilité en cas de dommage, sécurité des systèmes, participation active à la gouvernance, coordination et implication des acteurs pertinents aux différents échelons du fédéralisme) ; une version plus spécifiquement adaptée aux réalités de l’administration municipale sera envisagée après une période de « rodage ».

    Le Conseil administratif a également approuvé la reprise, dans un registre beaucoup plus pratique, des fiches techniques et aide-mémoires édictés par la Confédération, notamment en ce qui concerne les logiciels de traduction du type DeepL ou l’excellent service suisse TextShuttle.

    Un processus qui s’ouvre donc et qui doit être poursuivi, sans se résumer à des effet d’annonces mais en mettant les mains dans un cambouis tout à la fois technique, humain et philosophique ; la Ville s’y atèle dans le cadre plus large de sa Politique numérique qui, pour mémoire, s’articule autour des 3 valeurs suivantes, une approche du Numérique qui soit responsable, inclusive et innovante

  • Les médias vont mal. Et notre démocratie ?

    Les médias vont mal. Ce n’est pas nouveau et le tournant a été amorcé lorsque les grands éditeurs de ce pays ont décidé que les petites annonces (entre autres) qui les finançaient n’avaient plus à le faire et qu’ils les exportaient sur des plate-formes tierces (Anibis détenue par Ringier, Ricardo par TX-Group par exemple), ceci en parallèle d’un mouvement d’exode global de la publicité des médias suisses vers des acteurs globaux du numérique, les GAFAM (Google et Facebook, surtout). Cette situation dure depuis des années. Mais passé les premiers temps durant lesquels certains ont imaginé pouvoir mettre en place d’autres modèles d’affaire pérennes ou que le numérique allait tout résoudre, on se rend compte aujourd’hui que la situation continue d’empirer et devient toujours plus préoccupante pour la démocratie. Pourtant, outre des initiatives locales, que font nos élues et élus à Berne ? Pas grand-chose malheureusement…

    La démocratie n’a sa raison d’être que dans une société civile forte, dans laquelle circule une pluralité d’opinions et une information de qualité, pour lesquelles nous n’avons pas trouvé de meilleur levier durable que des journalistes professionnel-le-s répondant à la charte de déontologie de leur métier, avec une grande diversité de titres (quotidiens, hebdomadaires, mensuels, radios, etc.).

    Il a souvent été question, aux prémices du numérique, de journalisme-citoyen. Le festival Open Geneva vient d’en faire le sujet de sa passionnante soirée d’ouverture (avec des propositions tout à fait novatrices pour renforcer l’information locale, notamment le projet Polaris). Pourtant, rien ne remplace le travail professionnel de recherche, de recoupement et de vérification de l’information, de mise en contexte, etc. propre au métier de journaliste. Tous les faits ne se valent pas et le travail des journalistes et bien de mettre en lumière, de hiérarchiser, d’apporter un contexte et des explications à ces faits. De leur donner du relief et ainsi, de mettre leurs compétences au service de l’échange démocratique.

    Cette fonction oh combien importante est progressivement mise à mal par la diminution des équipes des principaux médias, mais aussi par une perte de pluralité et une certaine mainmise sur les titres de journaux (pourquoi croyez-vous que Christophe Blocher a racheté près de 30 journaux et médias locaux ces dernières années : certainement pas par bonté d’âme, mais pour gagner en influence idéologique et politique, comme le font Vincent Bolloré en France ou plus anciennement Rupert Murdoch au Royaume-Uni et aux Etats-Unis).

    Face à cette situation, certaines autorités locales tentent de réagir. Depuis 2018, j’ai essayé d’initier un soutien conjoint à l’échelle romandes des cantons et principales villes. Si Lausanne (qui a depuis déployé un paquet d’aides aux médias) et le Canton de Genève (qui déploie également des mesures propres) ont répondu présents, ça n’a pas été le cas des autres et les initiatives se sont opérées de manière décoordonnées. La Ville avait en parallèle mis en place une palette d’aides ponctuelles très locales de soutien aux dynamismes des médias, soutenant leur plus-value pour la vie citoyenne démocratique.

    Néanmoins, seul un soutien coordonné et cohérent à l’échelle de la Suisse romande (ou mieux à l’ensemble de la Suisse) ferait sens pour apporter l’aide structurelle nécessaire. Je ne désespère pas que le projet de fondation romande puisse que j’avais proposé puisse voir le jour dans un avenir prochain. Un think tank comme Nouvelle Presse, mené par l’ancien Conseiller national et Conseiller aux Etats vaudois Luc Recordon, pourrait en constituer l’une des bases.

    Je m’étonne en revanche du manque d’engagement flagrant des autorités fédérales, dont on ne voit rien émerger qui puisse apporter une réponse convaincante et durable. Récemment, on a vu apparaître de la part du Conseil fédéral un rapport en réponse au postulat déposé par la Conseillère nationale Katja Christ. Une réponse qui constitue un emplâtre sur une jambe de bois, très probablement par peur de rouvrir un véritable débat public après l’échec fort regrettable de la réforme refusée par le peuple en février 2022. Nul doute que ce paquet, pourtant minimal, subira les foudres de tous les chantres du libéralisme effréné prétendant croire aux vertus du marché, malgré les évidents dysfonctionnements de celui-ci. Ce positionnement dogmatique est comme par hasard soutenu activement par la plupart des grands médiatiques privés du pays, ceux-là même qui démantèlent de plus en plus vite leurs titres avec des dizaines de suppressions d’emplois (sans perspective de fin de cette hémorragie) tout en siphonnant allègrement tout ce qui rapporte, à commencer par le marché publicitaire.

    Parallèlement, le débat sur l’avenir de la redevance pour les médias ayant un rôle de service public a pris une nouvelle dimension avec la proposition du Conseil fédéral de diminuer celle-ci à 300 francs. L’Union des Villes Suisses a pris position très clairement en début d’année contre cette baisse, de même que la Ville de Genève bien évidemment. Je relève au passage que le Conseil d’Etat genevois a été un des rares cantons urbains à soutenir cette baisse, au nom d’un prisme idéologique complètement décalé, qui méprise objectivement les intérêts d’une collectivité multiculturelle, francophone de base, internationale et située aux lisières de notre pays !

    Dans sa prise de position, l’UVS a très justement fait le lien avec le soutien plus général aux médias. Car affamer la SSR ne donnera pas un franc de plus aux médias locaux quels qu’ils soient (par ex les radios et télévisions locales) et assurément pas plus aux titres « print  (presse imprimée, avec ou sans site web) qui contribuent à la pluralité de l’offre médiatique. Le combat pour le maintien de la redevance SSR est donc le même que celui pour l’octroi de soutiens aux médias.

    Il serait donc urgent que des élues et élus à Berne propose donc une aide globale et ambitieuse, qui préserve, voire renforce la diversité du paysage médiatique en Suisse, et par la même occasion en empêchant une razzia de la part de groupes étrangers qui menaceraient de peser sur notre vie démocratique en siphonnant les ressources de notre information. Ça sonne un peu nationaliste sur les bords ? Patriotique en tout cas, soit mon attachement à la richesse et la complexité de notre vie démocratique, avec notamment la démocratie directe qui implique une participation active et durable des citoyennes et citoyens et qui nécessite donc une offre médiatique diversifiée. Ceci montre qu’il devrait y avoir des possibilités d’alliances, si des propositions étaient énoncées et si la droite est cohérente. ABE !

  • En faveur d’une 13ème Rente AVS, et non au conflit entre générations !

    Il ne reste plus que quelques jours jusqu’aux résultats de la votation fédérale pour l’introduction d’une 13ème rente AVS dans notre pays. Les opposants sentent que la population pourrait accepter ce geste absolument essentiel afin d’assurer un niveau de vie décent pour nos aînées et nos ainés. Dès lors, ils font feu de tout bois contre le projet, y compris avec des arguments fallacieux, voire pervers. Parmi ces cartouches dangereuses et malsaines tirées en rafale par les opposants, l’une d’elles est particulièrement toxique pour la cohésion de notre pays, à savoir opposer les générations et prendre en otage les jeunes en leur faisant croire qu’un oui les menacerait dans leur avenir économique et social. Les derniers sondages de la SSR montrent que, malheureusement, cet argument semble faire mouche, avec une baisse du « oui » auprès des jeunes générations.

    Je ne peux qu’être particulièrement sensible aux enjeux liés à l’avenir de la jeunesse en général, et en particulier à leur avenir économique et social, donc notamment le marché du travail et les retraites futures, vu que je préside la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse depuis 2016. C’est un fait indéniable que pour plein de raisons cumulées les défis pour l’avenir des jeunes en termes d’emploi, de type de métiers et de marché de travail, et par ricochet de retraites, sont nombreux et complexes. On peut citer pêle-mêle, la numérisation accélérée de notre société et donc des métiers, offrant des opportunités mais impliquant aussi des risques de disparition de nombreuses professions ou en tout cas leur transformation radicale, le fait qu’entre le moment où on termine une formation qualifiante et l’atteinte de l’âge de la retraite, les carrières seront probablement beaucoup moins continues qu’aujourd’hui, la transformation aussi écologique profonde de notre société avec des risques de crises majeures, la croissance des inégalités sociales, etc. Ce n’est pas par hasard qu’il y a les jeunes une tendance certaine à l’anxiété qui s’amplifie de plus en plus, comme le démontrent tous les indicateurs disponibles relatifs à la santé mentale des jeunes. Mais aller leur faire peur en prétendant qu’une 13ème rente serait dangereuse pour eux car elle ferait porter un fardeau excessif, c’est attiser un conflit intergénérationnel qui n’a pas lieu d’être et qui est toxique en soi. C’est d’autant plus irresponsable que cela vient de forces politiques qui soi-disant prônent les vertus de la famille et adorent chanter les vertus de la nation une et indivisible !

    Toutes les données statistiques montrent à quel point l’allongement de la durée de vie, qui est une réalité, et qui donc impacte les dépenses en matière de financement des retraites, est largement compensée depuis toutes ces années par l’augmentation à la fois du nombre de personnes qui travaillent (avec l’arrivée progressive des femmes dans les professions rémunérées, même si encore aujourd’hui avec des inégalités salariales inacceptables), l’augmentation de la productivité et l’augmentation de la masse salariale, qui entraîne mécaniquement une augmentation des cotisations. Aujourd’hui, les finances de l’AVS sont donc saines ! Le fonds de réserve se situe à 50 milliards de francs et va atteindre 70 milliards en 2030 ! Encore récemment, les comptes annuels de l’AVS ont dégagé un bénéfice conséquent de plusieurs milliards !

    Quant à l’argument que cette rente bénéficie aux riches, il est objectivement faux, puisque les cotisations versées par les hauts revenus dépassent mécaniquement leur propre rente, même si on introduit la 13ème rente. Et ceci est parfaitement légitime vu que l’AVS est fondamentalement une assurance sociale, qui vise une solidarité forte entre toutes les composantes de la population , afin que toutes et tous aient un revenu de base à la retraite qui soit décent. Les mêmes qui disent aujourd’hui qu’il suffirait d’améliorer le système des prestations complémentaires, sont les mêmes qui ont systématiquement combattu toute mesure dans ce sens (comme le rappelait encore Pierre-Yves Maillard récemment), ou tout autre mesure visant à améliorer la situation des personnes retraites à bas revenu, sans parler aussi de leurs attaques constantes sur le deuxième pilier. L’AVS est l’un des piliers les plus fondamentaux de notre cohésion nationale, entre riches et pauvres, et entre générations.

    Celles et ceux qui prétendent se soucier de l’avenir des jeunes feraient mieux de s’interroger sérieusement sur la précarisation de plus en plus forte du marché du travail, sur le recul de nombre de métiers couverts par des Conventions collectives de travail dignes de ce nom, ou encore sur l’absence de mesures efficaces contre les inégalités encore et toujours criantes entre hommes et femmes en matière salariale (rien que l’égalité réelle dans ce domaine contribuerait directement au financement de l’AVS). Ils et elles devraient aussi arrêter de combattre le salaire minimum et s’engager activement pour mettre en place un système réellement généreux et performant de formation continue tout au long de la carrière. Et il faut enfin s’atteler à une réforme plus profonde de financement des assurances sociales en général qui se base aussi sur d’autres sources que seulement les revenus du travail (revenus du capital, revenus issus de la numérisation de la société, taxation des activités polluantes, etc.).

    Jouer les générations les unes contre les autres et un acte, je le répète, profondément irresponsable. Donc oui à la 13èeme rente, un acte de cohésion sociale et nationale, et non à un conflit artificiel entre générations !

  • Contexte stimulant pour des défis essentiels de politique culturelle en 2024

    Un budget 2024 voté en Ville de Genève avec de belles avancées pour le domaine culturel, une entrée en vigueur le 1er janvier 2024 de la Loi cantonale pour la Promotion de la Cuture et de la Création Artistique, des données qualitatives et quantitatives réjouissantes sur l’appétit de culture de la population genevoise, une belle série de Prix fédéraux pour des artistes de Genève, des chantiers importants qui démarrent en matière d’infrastructures, des nominations faites ou prochaines qui sont prometteuses : Que du bonheur, comme disait l’autre ? L’année 2024 a commencé sous des auspices particulièrement stimulantes et encourageantes, ce qui nous donne d’autant plus la responsabilité de saisir ces opportunités et de relever les défis qui se présentent à nous.

    Ainsi, et c’est fort réjouissant, le budget finalement voté au Conseil municipal de la Ville de Genève pour 2024 a pu, grâce à une embellie des recettes fiscales, permettre de couvrir non seulement des besoins vitaux dans le domaine de l’action sociale ou de l’urgence climatique mais aussi de prendre en compte des besoins avérés dans le domaine culturel. Il serait trop long de lister ici toutes les augmentations de manière détaillée ; elles s’inscrivent dans des axes prioritaires suivants qui correspondent à la Feuille de route que j’ai définie pour mon département et au Programme de législature du Conseil administratif :

    De plus, les organisations culturelles bénéficient en 2024 comme toutes les autres entités subventionnées par la Ville d’une indexation des contributions de 2%, vu qu’elles subissent aussi les effets du renchérissement dans tous les domaines. Il n’y a pas de raison d’indexer uniquement le personnel de la fonction publique et je m’engage depuis plusieurs années pour pérenniser ce principe, selon des modalités à préciser.

    Ces moyens budgétaires accrus constituent un choix politique assumé de la Ville de Genève de reconnaître la richesse, la diversité et la qualité du tissu culturel genevois, et de l’accompagner dans son évolution et face aux défis qui le concernent pleinement, en lien avec les axes prioritaires cités ci-dessus. Il y a également une volonté partagée et très manifeste sur le terrain de renforcer les démarches visant à développer la participation culturelle dans la population. Je reviendrai ultérieurement dans d’autres billets sur ce site pour en parler car ces thématiques sont essentielles et en pleine évolution.

    Juste là, je tiens à relever un autre changement structurant pour le paysage culturel genevois, qui est passé presque inaperçu hors du milieu concerné. La nouvelle Loi cantonale pour la Promotion de la Cuture et de la Création Artistique (LPCCA) est entrée en vigueur le 1er janvier, concrétisant ainsi la volonté populaire exprimée en mai 2019 à plus de 83% pour une politique culturelle cohérente et concertée sur le territoire genevois, impliquant un engagement politique et financier nettement plus marqué du Canton. A ce jour, le Canton tient ses engagements qui découlent de la LPCCA et de l’Accord culture signé le 8 décembre 2022 entre le Canton, l’ACG et la Ville de Genève, si on considère la deuxième tranche de moyens supplémentaires de 3.3 millions pour la culture votés par le Grand Conseil dans le budget 2024 du Canton, suite à une première tranche de 1.1 million votés dans le budget 2023, sans compter d’autres moyens accordés en plus par le Grand Conseil hors enveloppe de l’Accord culture (soutien au livre à et à l’édition, OCG, Cinéforom, etc.). J’insiste sur cette dynamique car encore maintenant il faut faire face à une certaine incrédulité au sein des rangs du Conseil municipal, tous groupes confondus, sur la volonté réelle du Canton de tenir ses engagements. Une des prochaines étapes sera le dépôt par le Conseil d’Etat d’un projet de loi au Grand Conseil portant sur la participation à hauteur de 8 millions de francs au crédit d’investissement pour la rénovation complète de la machinerie du Grand Théâtre, crédit global de 44 millions de francs avec 20 millions de contribution d’une Fondation privée genevoise et 4 millions du Fonds intercommunal.

    Il ne faut surtout pas sous-estimer le travail considérable qui nous attend les uns et les autres pour la mise en œuvre plus complète de cet accord et de son volet budgétaire ainsi que de la LPCCA : dispositif de coordination politique et opérationnelle, mise au point d’une Stratégie partagée de politique culturelle entre collectivités publiques et concertation avec le milieu professionnel, conventions partagées pour de nombreuses entités subventionnées, moyens accrus pour la diffusion et la participation culturelle, préparation de l’entrée du Canton à part équivalente à la Ville dans certains grandes institutions culturelles comme le Grand Théâtre et ensuite le Musée d’art et d’histoire et la Bibliothèque de Genève. Ce travail implique bien sûr aussi les autres communes, si on pense au Théâtre de Carouge ou au futur Centre Espace Concorde à Vernier. Nous nous devons de tout entreprendre pour que la volonté populaire soit respectée de manière crédible et durable. La nouvelle Loi constitue un cadre optimal pour une politique culturelle qui irrigue l’ensemble du territoire genevois (y compris sur le plan régional, là aussi j’y reviendrai) et qui renforce les moyens pour la création et la diffusion du travail des artistes de Genève, dont la capacité à rayonner au-delà de nos frontières n’est plus à démontrer : La LPCCA permettra aussi de favoriser la durabilité du travail effectué dans tous les sens du terme, et de développer les moyens pour impliquer pleinement le public. Que l’on prenne le nombre de Prix fédéraux décernés à des artistes de Genève, ou le poids économique du domaine, tout démontre que Genève non seulement investit pour la culture, avec une belle réponse du public, mais en bénéficie pleinement, y compris en termes d’emplois et de valeur ajoutée. Rappelons à cet effet l’étude sur le poids de l’Economie culturelle et créative, publiée par mon département en juin 2023, et le Symposium très suivi sur le même thème en mai 2023.

    Nous avons du pain sur la planche ; ce pain est fort appétissant et autant bien le partager et l’apprécier, pour que chacun-e en profite !

Sami Kanaan est Maire de Genève 2014-2015, 2018-2019 et 2020-2021, Conseiller administratif en charge du Département de la culture et du sport, puis de la culture et du numérique, Président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, Vice-président de l’Union des villes suisses et Président de l’Union des villes genevoises.

suite…

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